Pajenn:Luzel - Lincel ar re varo.djvu/8

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Le Linceul des Morts. 207 Alors, le curé dit au vicaire : — Ce soir, il vous faudra aller aussi passer la nuit dans l'église, pour voir si c'est vrai ce que dit Kervran, qui, peut- être, n'a fait que rêver; et si c'est vrai, et si vous voyez aussi la morte qu'il dit avoir vue, demandez-lui ce qu'elle veut. — C'est bien ! j'irai, monsieur le curé, et je lui parlerai, si je la vois. Le vicaire accompagne donc le sacristain, quand celui-ci va sonner Y Angélus du soir. Les portes sont fermées à clef sur lui, et il se met en prière devant le grand autel. Il s'asseoit ensuite sur un siège, le dos tourné à l'autel, et le visage, vers le bas de l'église. Quand sonna minuit, voilà qu'il entend aussi, dans le cimetière, le même bruit qu'avait entendu Kervran. Et aussitôt il voit aussi un homme venir de la sacristie, pour ou- vrir la porte principale. Et quand elle est ouverte, un carrosse, attelé de trois chevaux noirs, entre dans l'église, s'avance jus- qu'au milieu et s'y arrête. Le postillon et l'autre, celui qui était venu de la sacristie, retirent un cercueil du carrosse et le dé- posent sur le pavé. Ils l'ouvrent et en retirent un corps mort, enveloppé d'un linceul blanc. Deux dalles du pavé se lèvent avec bruit et découvrent un trou noir et profond. La morte jette son linceul sur le pavé de l'église et descend dans le gouffre, toute nue ; et aussitôt les deux dalles retombent avec bruit, et couvrent le trou. Le carrosse part alors, au galop rouge, le feu jaillit des pieds des chevaux, et l'homme venu de la sacristie ferme la porte et retourne à la sacristie ; puis, un profond silence. Le vicaire ne bougea pas de son siège, où il était comme une statue de pierre, et il n'osa souffler mot. Le lendemain matin, il raconta à son curé ce qu'il avait vu et entendu. — Il disait donc vrai, Kervran, dit le curé ; mais je pensais qu'un prêtre devait être plus hardi, dans son église, qu'un fer- mier sans instruction, qui devait sept années (de loyer) à son seigneur. Et vous n'avez dit mot ? Vous ne lui avez pas de- mandé, à cette femme, ce qu'elle veut, comme je vous avais dit (de le faire) ?