Pajenn:Luzel - Lincel ar re varo.djvu/18

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Le Linceul des Morts . 217 dais à sa maison, pour le voir ensevelir, et observer ce que l'on mettait avec lui dans son cercueil. Et la nuit qui suivait l'en- terrement, je me rendais au cimetière, pour exhumer le mort, et j'emportais les bagues, les croix d'or ou d'argent et les lin- ceuls, et je laissais les cadavres nus ; et c'est pourquoi j'ai été condamnée à passer, chaque nuit, trois heures dans la terre, toute nue, depuis cent quarante ans. Vous m'avez délivrée, et Dieu vous bénisse ! A présent, vous irez trouver votre curé, et vous lui direz de faire mon enterrement, demain matin, à dix heures. Alors, j'irai au paradis, et vous-même vous y viendrez aussi, quel que soit le moment où vous mourrez. » Elle s'enveloppe alors de son linceul ; le postillon et l'autre l'étendent dans le cercueil et placent celui-ci sur les tréteaux funèbres. Après avoir fait cela, ils disparaissent, et le carrosse aussi, sans bruit, et on ne sait comment. Job Kervran va alors trouver son curé. — Eh bien ! lui dit le curé, qu'as-tu vu, dans l'église ? — J'ai vu, monsieur le curé, des choses effrayantes : une femme morte, qui fait pénitence, depuis cent quarante ans, a été apportée à l'église, dans un carrosse attelé de trois chevaux noirs. On a ouvert le cercueil dans lequel elle était étendue, on l'en a retirée, et alors elle a jeté sur le pavé le linceul dont elle était enveloppée ; la terre s'est ensuite entr'ouverte et l'a engloutie, toute nue. Les tréteaux funèbres étaient au milieu de l'église, parés comme pour un grand enterrement, et un ange est venu de la sacristie, tout vêtu de blanc et portant un cierge dans chaque main ; il a posé ses deux cierges un de chaque côté du catafalque, puis il est retourné à la sacristie. Moi, voyant qu'il n'y avait d'allumés que ces deux cierges, j'ai aussi allumé les autres qui étaient autour du catafalque, et ils y sont toujours allumés. J'ai alors remarqué un linceul sur le pavé de l'église, et je l'ai relevé et emporté, sous mon bras. Ensuite je me suis agenouillé auprès du catafalque, pour prier pour l'âme de la défunte. A trois heures, la morte sort de la terre, et, ne voyant pas son linceul à la place où elle l'avait jeté, elle se met à crier, d'une voix effrayante : — « Où est mon linceul ? Donnez-moi mon linceul ! Donnez-moi mon