Pajenn:Luzel - Lincel ar re varo.djvu/14

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Le Linceul des Morts. 2 1 3 ceul ? Il me faut mon linceul ! » — Les trois prêtres, en en- tendant cette voix, sont saisis d'épouvante, et voudraient être loin de là. — « Où est mon linceul? Il me faut mon linceul ! » crie encore la femme, d'une voix plus forte, et en faisant le tour du catafalque, comme un chien enragé. — « Où est mon « linceul ? Il me faut mon linceul ! » crie-t-elle, pour la troi- sième fois. Le curé, craignant qu'elle ne vînt à l'apercevoir et à le mettre en pièces, tant elle était courroucée, s'avance alors jusqu'au milieu de l'église, et lui jette son linceul; mais il n'ose prononcer une seule parole. La femme prend son lin- ceul et s'en enveloppe le corps. Elle saisit ensuite une poignée de terre du trou d'où elle était sortie et la jette à la figure du curé ; puis elle souffle les deux cierges allumés de chaque côté du catafalque, et part alors, dans son carrosse, avec un bruit épouvantable, si bien que les prêtres pensaient que l'église allait s'écrouler sur eux : mais ils n'ont eu aucun mal. Le lendemain matin, le curé va, seul, trouver Job Kervran, dans sa maison, et lui demande s'il était vrai qu'il eût eu de son seigneur quittance de$ sept années de loyer qu'il lui devait de sa ferme, pour passer une nuit entière dans l'église ? — C'est vrai, monsieur le curé, répondit Job. — Eh bien ! je paierai sept autres années d'avance à ton seigneur, si tu veux passer encore une autre nuit dans l'église. — Je ne suis pas assez hardi pour aller ainsi, la nuit, dans les églises ; j'irai cependant encore, au nom de Dieu, et pour gagner quelque chose pour mes enfants. — Mais, il te faudra demander à la morte ce qu'il lui faut, et me rapporter sa réponse. — C'est bien, monsieur le curé, je le ferai. Job Kervran se rend donc encore à l'église, quand le sa- cristain va sonner Y Angélus, et il s'étonne de voir les tréteaux funèbres au milieu de l'église, parés comme pour un enter- rement riche. Il monte encore à la chambre de l'horloge et se met à prier Dieu, pour attendre minuit. Pour abréger, il en- tend et voit comme la première nuit qu'il passa dans l'église. Mais, quand la femme fut descendue, toute nue, dans la terre, il vit un personnage, tout vêtu en blanc, comme un ange,