CONTES POPULAIRES DES BRETONS ARMORICAINS.
KOADALAN
DIALECTE DE TRÉGUIER.
Il y avait une fois deux pauvres gens qui avaient un fils âgé de quinze ou seize ans. Comme ils étaient pauvres et qu'ils avaient beaucoup de peine à vivre, ils dirent un jour à leur enfant : — Il te faudra, mon fils, aller gagner ton pain quelque part. — C'est bien, répondit le gars, j'irai. Il s'appelait Yves Koadalan. Son père lui donna dix-huit deniers, sa mère, une demi-douzaine de crêpes, et le gars partit. Comme il s'en allait, sur la route, il rencontra un seigneur bien mis, qui lui dit : — Où vas-tu comme cela, mon garçon ? — Voyager, pour chercher à gagner mon pain. — Veux-tu venir avec moi ? — Je veux bien; peu m'importe avec qui. — Sais-tu lire ? — Un peu, mais pas beaucoup. — Tu n'es pas celui que je cherche, si tu sais lire. Et le seigneur poursuivit sa route. — Tiens! se dit alors Koadalan, je n'aurais pas dû dire que je sais lire; j'aurais été bien avec ce seigneur-là. Il faut que je retourne ma veste, pour aller au-devant de lui ; il ne me reconnaîtra pas. Il fait ainsi ; il met sa veste à l'envers, court à travers les champs et se retrouve sur la route au-devant du seigneur. Le nom de Koadalan, traduit en français, serait Bois-Allain; — mais je doute fort que ce soit là le nom primitif, car nos conteurs populaires ont a fâcheuse habitude de chan- ger arbitrairement les noms, ceux des personnages comme ceux des lieux, et de leur subs- tituer d'autres noms, généralement connus de leur auditoire.