Mont d’an endalc’had

Buhez Santez Nonn/a-bezh

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BUHEZ

SANTEZ NONN

DEUS PATER.

Ael mat quae en stat man
abreman voar an bet
Bede Patricius : joaeus gra escus net
mont voar tech an lech hont
dezaff gra pront contet
Querzet certen dren bro
Eno ne chomo quet
Lauar dezafF parfet
diuset ezaedi : gant doe just ha leal
real dre e aly : da pen tregont bloaz eo.
Ez duy beo sant Devvy
aman da bout ganet
proficiet edy.

Angelus ad patricium.

Lleo Patricius diuset
Les an placc man na ehan quet
Eux a hanen da em ten net
gant doe so cren gourhemenet
Da tregont blizien ma entent
Ez duy aman vnan an sent
… Et deuy leun a squient

BUHEZ

SANTEZ NONN,

ou

VIE DE SAINTE NONNE,

et de son fils

SAINT DEVY (DAVID),

Archevêque de Menevie en 5l9.

mystère composé en langue bretonne antérieurement
au xiie siècle,

publié d’après un manuscrit unique, avec une introduction

par

L’ABBÉ SIONNET,

et accompagné d’une traduction littérale

DE M. LEGONIDEC,

et d'un fac-simile du manuscrit.

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Tiré à 300 exemplaires.

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PARIS,

MERLIN, LIBRAIRE,

quai des augustins, n° 7.

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1837.



Le manuscrit original, décrit page x de la préface, est de format in-4 ; voir le fac-simile placé après la préface.


à la mémoire

de

MONSIEUR RAYNOUARD.


secrétaire perpétuel honoraire
de l’académie française,
de l’académie des inscriptions et belles-lettres ;


restaurateur
de la langue et de la littérature romanes.



HOMMAGE

de respect et de reconnaissance.


PRÉFACE
DU
BUHEZ SANTEZ NONN.
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Il y a déjà long-temps que la langue bretonne semble exclue par les philologues du vaste champ de leurs recherches. Les hypothèses hardies, les systèmes extraordinaires auxquels elle a donné lieu, ont, sans doute, puissamment contribué à cet état de délaissement ; mais la raison qui, par-dessus tout, a détourné de cette étude les esprits sages et judicieux, était l’absence d’un texte qui, par son âge et sa pureté[1], pût fournir à des recherches solides et profitables à la science. Dans son état actuel, la langue bretonne ne leur paraissait qu’un jargon informe contenant peut-être quelques débris antiques mais tellement cachés sous des emprunts modernes, qu’il était impossible de les discerner.

II restait cependant encore quelque moyen de séparer cet alliage. Dans un canton de l’Angleterre (la Cornouaille), il existe une peuplade qui, presque de nos jours [2], comme au XIIe siècle [3], comme au VIe [4], parlait une langue identique à celle des Bretons de la France. Ces Bretons anglais avaient aussi corrompu leur langage par des emprunts faits à celui de leurs vainqueurs ; mais cette corruption devait être, et elle l’était en effet, à celle que la domination française avait importée chez leurs frères de l’Armorique, comme le Français était au Saxon et à l’Anglais. Il n’y avait donc qu’à comparer les produits de la littérature bretonne dans les deux pays, séparer ce qui était particulier à chacun, puis réunir et coordonner tout ce qui leur était commun, pour reproduire le Breton dans sa pureté primitive, tel du moins qu’il existait au Ve siècle de notre ère. J’avais exécuté ce travail et j’allais livrer à l’impression le résultat de cette comparaison, lorsqu’un événement inespéré me força d’ajourner ma publication, en me faisant toutefois reconnaître l’exactitude des résultats que j’avais obtenus.

M. l’abbé Marzin, accompagnant Monseigneur l’évêque de Quimper, dont il était alors secrétaire, dans une de ses visites pastorales, apprit qu’il se trouvait dans la paroisse de Dirinon, près Landerneau (Finistère), un ancien manuscrit contenant un poëme en langue bretonne. Il parvint à se le procurer : puis désirant me mettre à même de compléter les travaux que j’avais commencés, il me le donna, en joignant à ce présent tous les renseignements qu’il avait pu recueillir dans le pays sur l’ouvrage même. Ce manuscrit, écrit sur papier, forme un petit volume in-8o de quarante-six doubles feuillets. L’écriture en est belle et de la fin du XIVe ou du commencement du XVe siècle [5] ; mais son état de conservation est des plus mauvais. Abandonné pendant long-temps au fond d’une armoire humide, le papier est tellement détérioré en certains endroits, que le moindre choc en détache des parcelles. Quelques mots avaient déjà disparu par des pertes de ce genre, lors de la première transcription que nous en avons faite, il y a bientôt quatre ans. Ces lacunes, puis celle d’une vingtaine de vers coupés par inadvertance lorsqu’on a relié le manuscrit (cette reliure date de plus de deux cents ans), sont les seules que l’on ait à déplorer.

Les deux premiers feuillets contiennent une ébauche de préface que, vu son état d’imperfection et de dégradation, je ne puis reproduire ici que dans une traduction libre et abrégée : j’ai fidèlement conservé la suite des idées telle que le texte la présente.

o

Ici commence la vie de sainte Nonne et de saint Divy, son fils.

Plusieurs chrétiens dignes de foi ont écrit la légende de sainte Nonita. Ils affirment qu’après être venue en Bretagne et avoir vécu saintement à Dirinon, elle a été ensevelie entre Daoulas et Landerneau [6].

PROLOGUE

Conservons, messieurs, pendant que nous sommes sur la terre, la foi en Dieu qui a créé le monde et réglé à l’avance tout ce qui doit y arriver. Je vais vous raconter l’histoire de saint David que des prophéties avaient annoncé devoir succéder au gracieux Patrice dans le gouvernement du pays. Merlin, par faveur de la Trinité, avait prédit sa naissance, et le savant Gildas se trouva par la présence de Nonita sa mère, arrêté au milieu de son sermon. Elle avait été opprimée par un tyran, et était devenue mère contre l’ordre de la nature. Dans le lieu où elle avait conçu, il s’éleva, pour cacher sa confusion, deux grandes pierres qui restent comme un témoignage de son oppression. Elle mit au monde un fils dont la naissance fut accompagnée de grandes merveilles dans le ciel et sur la terre, comme le saint et savant Gildas l’avait annoncé. Nonita devint sainte par l’amour qu’elle avait pour Jésus ; Devy, son fils, mérita, par la pureté de sa vie, d’être élevé à la dignité d’archevêque. II fut un prélat aimable, un vrai et parfait Breton. Ecoutez avec attention le mystère qui va être représenté ; soyez attentifs au jeu des acteurs (an mister quemerit, an facon hac an jest tut ouest aruestit). L’histoire qui va être représentée, a été composée en l’honneur d’une sainte et d’un saint pleins de courtoisie. (An istor dre an gloar a vezo lauaret an sanct hac an sanctez tut courtes expreset).


EXPOSITION.


Dieu le père, qui est dans le paradis, le grand Dieu a créé de rien les astres et les planètes, et les a créés parfaits. Il a aussi formé l’homme, qui, s’il fût resté innocent, n’eût jamais été soumis au travail. Il nous a donné son fils pour nous racheter, et a permis que divers saints personnages annonçassent, par avance, ce qui devait arriver. C’est ainsi que la sainteté de Nonita et de Devy avait été l’objet de plusieurs prophéties. Dieu dit à un ange : Va, bon ange, va vite trouver le roi Keritius (sic), inspire-lui le désir d’aller à la chasse ; dis-lui qu’il trouvera, auprès de la rivière, un cerf, un poisson et un essaim d’abeilles [7] . . . . . . . .Les abeilles et le miel signifient que David sera savant ; le poisson… qu’il ne vivra que de pain et d’eau, et s’abstiendra de vin ; le cerf, qu’il sera prompt à surmonter le démon et ses œuvres.

patrice.

Moi, Patrice, élu et consacré évêque selon la coutume de l’église romaine, il faut que je me retire d’ici. Mon sort est dur et pénible ; je dois quitter le pays des roses, et aller prendre soin du nouveau troupeau qui m’est confié. Quoi qu’il en soit, je consacre ma vie au service de Dieu et de sa mère.

La préface finit ainsi au milieu d’une page ; suit le poëme, sous forme de drame, divisé en trois parties : 1° la Vie de sainte Nonne ; 2° les Miracles qui s’opèrent sur son tombeau ; 3° l’Épiscopat et la Mort de saint Devy.

Toutes ces parties, richement rimées pour l’ordinaire, quelquefois en simple assonance, sont écrites dans un breton qui diffère de celui de nos jours par des désinences plus fortes [8], l’emploi d’expressions tombées en désuétude ou conservées avec une autre signification [9], l’absence fréquente des liaisons grammaticales, etc. Il fourmille de mots latins avec la forme altérée qu’emploient les troubadours [10]. On est tenté au premier abord, de ne voir dans ce fait que l’influence de la littérature provençale ; puis quand on vient à considérer que le Buhez a été, pour le fond, composé en Cambrie [11], province qui presque toujours a été étrangère aux peuples méridionaux, tandis qu’elle est, pendant long-temps, restée sous la domination romaine, on est invinciblement amené à se demander si ce n’est point le Breton lui-même, qui d’après son génie a modifié les termes latins empruntés sans intermédiaire ? Mais alors s’élève une grave difficulté ; car là où le résultat est le même, les causes doivent avoir été identiques. Or, parlait-on la langue bretonne sur le littoral de la Méditerranée ? Doit-on lui attribuer les modifications qui, ont fait du latin la romane vulgaire ? Je vais tâcher de résoudre ces questions sans franchir les limites d’une préface ; c’est dire assez que je ne donnerai que les résultats, renvoyant, pour les preuves, à l’ouvrage dont j’ai parlé en commençant et qui paraîtra le plus tôt possible.

Les anciens ne nous ont fait connaître qu’une des analogies de la langue bretonne, mais elle est décisive pour notre objet. Les Bretons et les Gaulois ont presque le méme langage (sermo haud multum diversus), dit Tacite au chapitre II de la Vie d’Agricola. Aussi n’hésite-t-il pas à regarder comme probable l’opinion qui identifie ces deux peuples, Proximi Gallis (Britones) et similes sunt, seu durante originis vi, seu, etc… in universum tamen œstimanti, Gallos vicinum solum occupasse credibile est. Cette opinion est conforme à la tradition des anciens Bretons dont Bède nous est garant : Imprimis hæc insula Britones, solum a quibus nomen accepit, habuit, qui de tractu Armoricano, ut fertur, Britanniam advecti, australes sibi partes illius vindicarunt. Bed. Hist eccles., liv. 1,ch. 1. La même tradition est consignée dans les Tryades. D’ailleurs presque tous les mots cités par les anciens comme gaulois, se retrouvent dans le breton actuel, et lorsque les évêques des Gaules, saint Germain et saint Loup, se rendirent en Angleterre pour combattre l’hérésie de Pelage, ils purent se faire comprendre sans recourir aux interprètes. (Voy. leurs actes.)

Il n’y a donc plus de difficultés qu’en ce qui concerne la langue romane.

Les principaux caractères de cette langue [12] sont :

1° De rejeter les désinences grammaticales des substantifs.

2° De ne marquer les rapports entre les mots que par des prépositions.

3° D’employer l’article.

4° De se servir des auxiliaires.

5° De former le passif au moyen du participe passé et de l’auxiliaire être.

6° D’avoir des négations explétives, etc.

Tous ces caractères, dont le Buhez offre fréquemment des exemples, se retrouvent dans le breton d’Angleterre, comme dans celui de la France ; ils appartiennent donc [13] au génie primitif de cette langue, et l’on peut conclure que c’est d’elle qu’ils ont passé dans le Roman, puisqu’ils n’existent ni dans le Goth, ni dans le Francisque, qui nous sont parfaitement connus par des monuments encore subsistants [14].

On a voulu revendiquer ces caractères pour le latin, sous prétexte qu’ils se trouvaient quelquefois employés par les meilleurs écrivains de Rome ; tout en convenant de la vérité du fait, j’en nie la conséquence. Ces formes, presque insolites, ne dénotent-elles point, par leur rareté même, une origine étrangère ? Ne sont-elles pas des importations gauloises ? Elles étaient, ces importations, si nombreuses au premier siècle de notre ère (et qui peut dire quand elles ont commencé ?) que Cicéron regardait déjà comme perdue l’atticité romaine [15].

On a dit encore que le Roman n’était que l’idiome du peuple de Rome au temps même de la république, mais il a été impossible de le prouver. On sait d’ailleurs, par l’exemple du Français, que la populace outrage la grammaire, mais ne lui donne jamais un génie différent.

Résumons-nous. Les caractères fondamentaux du Roman, qui, étrangers au Latin, ne se retrouvent ni dans le Goth, ni dans le Francisque, forment le génie propre du Gaulois : cette langue n’est donc, dans plusieurs parties principales [16], que le Latin revêtu des formes gauloises.

L’histoire vient appuyer cette conclusion. Le Latin imposé la Gaule par la politique romaine [17], était bientôt devenu la langue de la noblesse et de tous ceux que l’intérêt ou le besoin mettaient en contact avec les vainqueurs ; des rhéteurs habiles, des académies établies dans les villes principales [18], avaient encore augmenté son influence. Déjà l’éloquence gauloise rivalisait avec celle de Rome, et tout annonçait à cette littérature implantée, l’avenir le plus éclatant, lorsque les premières invasions des barbares vinrent ébranler dans les Gaules la puissance romaine. La langue latine se ressentit de ces commotions. Les académies ayant été détruites, elle se trouva livrée sans défense aux sourdes attaques du Gaulois, qui toujours vivant [19] sous les entraves qu’on lui avait imposées, tendait, en se l’incorporant, à reprendre le rang dont on l’avait dépouillé.

Le rétablissement des écoles, au Ve siècle, put rendre au langage de la noblesse un certain vernis d’urbanité romaine [20], il put encore, en maintenant l’usage d’expressions exotiques, faire périr à jamais les équivalents nationaux, mais il fut impuissant à détruire dans le peuple le génie de la langue maternelle. Ce génie déborda de toute part, gagna même les classes instruites, et l’on vit, jusque dans les ouvrages d’écrivains distingués, des preuves non équivoques de sa puissance ; les désinences perdaient leur valeur [21], les prénoms devenaient articles et le verbe substantif verbe auxiliaire [22], etc. Le travail de transformation fut, parmi le peuple, et plus rapide et plus complet. Au VIIe siècle[23], le Latin n’était plus compris du vulgaire, l’idiome roman l’avait remplacé.

L’origine de cet idiome peut-elle donc être contestée ? Le Roman n’a-t-il pas, conformément à une des lois de transformation, par suite de conquête [24], puisé en grande partie son dictionnaire dans la langue des vainqueurs, et, nos recherches l’ont prouvé, ses formes et partie de sa grammaire dans celle des vaincus ?

En voilà suffisamment sur une matière qui doit être développée dans un autre ouvrage.

La grécomanie des écrivains des Gaules et de la Bretagne, à partir du VIe siècle, est beaucoup trop connue [25] pour que j’eusse cru utile de la faire remarquer dans le Buhez, si le défaut d’attention à cette particularité n’avait entraîné le traducteur dans une correction que je ne puis adopter. A la page 120, nous lisons qu’un des disciples de Paulin voulant le guérir de la cécité, dont il étail frappé par accident, fit le signe de la croix sur an beronic, ce mot emprunté de la basse grécité (voyez le Glossaire de Ducange), signifie la taie, la peau gommeuse qui couvrait l’oeil de Paulin ; il fallait donc traduire : Je ferai le signe de la croix sur la taie qui couvre votre œil.

Le Prologue, mis en tête de notre poëme, nous apprend qu’il se représentait ; mais de quelle manière et dans quelle circonstance, c’est ce qu’il ne dit pas. Le petit nombre de vieillards qui, sur la paroisse de Dirinon, connaissaient l’existence du Buhez, se rappelaient bien avoir entendu raconter à leurs pères, qui eux-mêmes le tenaient de tradition, que ce drame se représentait le jour de la fête de sainte Nonne. Ils ne savaient en quel endroit, mais ils conjecturaient que c’était dans leur paroisse. Avec une tradition aussi vague, nous sommes réduits aux seuls renseignements fournis par les notes marginales. Elles nous apprennent d’abord qu’il y avait une espèce d’entr’acte, une interruption dans la représentation. Voyez page 104. En second lieu, que ce mystère se chantait en grande partie, voyez pages 80, 140, etc. Ce chant devait ressembler à celui qui sert encore en Bretagne pour les légendes versifiées, que récitent les pauvres du canton le jour de la fête patronale. C’est une manière de récitatif qui varie avec la mesure du vers, sans perdre rien de sa monotonie, parce que la voix du chanteur très élevée en commençant une strophe, s’abaisse insensiblement et finit dans un ton presque sourd.

Les vers qui sont de six, huit et dix mesures, présentent, quant à la rime un système assez remarquable. Dans une strophe de quatre vers, le premier rime avec le troisième, le second avec le dernier. Dans celle de six, les deux premiers riment ensemble, le quatrième avec le cinquième et le sixième avec le troisième. Les six derniers vers d’une strophe plus longue riment comme s’ils étaient isolés. Il n’y a d’exceptions que dans les morceaux qui riment trois à trois ou quatre à quatre. Ces règles sont observées si religieusement dans la majeure partie du poëme, que je n’hésite pas à regarder comme fautifs les endroits qui ne s’y accordent pas.

Si j’ajoute que notre manuscrit ne connaît pas de changements euphoniques dans les consonnes, qu’il emploie le q et le c qu’on a voulu exclure récemment de l’alphabet de notre langue, qu’il contient un certain nombre de variantes ou de corrections écrites de la même main que le reste du poëme [26] ; c’est afin de relever, autant que possible, tout ce qui peut contribuer à le faire connaître sous le rapport matériel.

Toutes mes recherches pour connaître l’auteur du Buhez ont, jusqu’à ce jour, été inutiles. Je manque aussi de renseignements positifs sur l’époque de sa composition. J’en dirai cependant quelques mots par manière de recherches, plutôt que d’affirmation. Je sais bien qu’il est des considérations qui peuvent suppléer, en quelque sorte, à des preuves directes et revêtir d’un haut degré de probabilité les sentiments qu’elles appuyent ; mais je n’ose attribuer une telle valeur à celles que je vais exposer, en les soumettant entièrement au jugement des lecteurs.

Notre manuscrit [27], écrit, pour le plus tard, au commencement du XVe siècle, mentionne, de temps en temps et en interligne, des leçons différentes de celles du texte. Ces leçons, de la même main que le reste, étant quelquefois bonnes, quelquefois mauvaises, ne peuvent être que le résultat d’une collation de copies qui ont eu besoin de quelques années pour se multiplier et s’altérer ; ajoutez que l’ouvrage qu’il reproduit n’est plus dans sa pureté originale. Il a été interpolé en grand nombre d’endroits, comme nous l’apprend la fin de la note latine dont nous avons déjà parlé. Cette interpolation n’ayant pu s’exécuter que long-temps après la mort de l’auteur primitif et la transcription qui nous la fait connaître lui étant postérieure de plusieurs années, ne doit-on pas en conclure que la composition du Buhez remonte, pour le fond, à une époque antérieure de deux ou trois siècles à celle de notre manuscrit ? Cette antiquité ressortira mieux encore de ce que nous allons ajouter.

Il existe dans la collection des bollandistes, 1er tome de mars, pag. 38 et suiv., une Vie de saint David, que les savants éditeurs attribuent, d’après Usher, à Ricemarch, et qu’ils regardent comme la source où a puisé Caradoc de Lancarvan [28], qui rapporte les mêmes faits, mais en les surchargeant de circonstances puériles.

Cette Vie contient, dans son premier chapitre, un précis de la légende de sainte Nonne, qui, sauf quelques additions, ressemble tant à ce que nous lisons dans notre poëme, que je crois nécessaire de le reproduire ici, et pour éclaircir notre texte, et en même temps pour servir de bases aux considérations qu’il m’a suggérées. Je suis l’édition des bollandistes, en indiquant les variantes fournies par Usher.


VITA SANCTI DAVID.


Caput primum.


1. « Sanctus, quem tinctio baptismi David, vulgus autem Devi clamat, veriloquis angelorum oraculis, ad patrem quidem prius, deinde ad S. Patricium, terdenis priusquam nasceretur, prophetatus innotuit. Nam quodam tempore pater ejus nomine Sanctus[29], rex Coreticæ gentis[30], angelica in somnis monitus voce, audivit : Crastina die venatum iturus, cæso prope fluvium cervo, tria ibi munera reperies, cervum scilicet quem persequeris, piscem et favum : ex his itaque tribus reserves favum scilicet, partemque piscis et cervi ; quæ custodienda filio ex te nascituro transmittes ad Nautanum monasterium quod nunc usque depositi monasterium vocatur. Quae quidem munera hujus vitam prænuntiant : favus enim mellis ejus sapientiam clamat, piscis vero aquaticam vitam ejus, quam in pane et aqua tantum ducet, significat ; cervus autem in antiquo serpente ejus significat dominium.

Sanctus quoque Patricius episcopus Demetica [31] intrans rura, ubique perlustrans, tandem ad locum qui vallis Rosina nominatur pervenit et gratum agnoscens locum devovit Deo ibi fideliter deservire : sed angelus domini ei apparens, dixit : Tibi, inquit, non istum locum Deus disposuit, sed filio qui nondum est natus, nec nisi triginta peractis annis nascetur.

2. » Labentibus ergo triginta annis Sanctus Cereticae gentis rex Demetica proficiscitur, ibique perlustranti obviam ei facta est quædam puella nomine Nonna [32], pulchra nimis virgoque decora, quam rex concupiscens oppressit. Quæ nec postvirum agnovit ; nam ipsa hora concipiens, ac deinceps vitam fidelissimam ducens, pane et aqua tantum vixit. In loco autem in quo oppressa concepit modicus patet campus, visu amœnus, munere superni roris plenus : in quo tempore conceptionis duo grandes lapides apparuerunt, unus ad caput, alter ad pedes, qui antea visi non fuerant. Nam terra conceptui congaudens, sinum aperuit, ut et puellæ verecundiam servaret et prolis soliditatem prænuntiaret. Crescente autem utero, mater ad offerendas pro partu eclecmosynas oblationum, quamdam ecclesiam ingreditur : in qua quidam doctor [33] verbum faciebat ad populum. » Ingressa autem puella subito obmutescens presbiter [34] tacuit. Interrogatus autem a populo cur obmutuerat, respondit : Ego communi loquela loqui possum, praedicare autem non possum : sed vos extra egredientes, me solum remanere sinite, ut sic vel sic possim prædicare. Egressa autem foras plebe, puella in angulo se abscondens humiliter latuit. Deinde et secundo doctor toto annisu prædicare tentans, nihil potuit : hinc perterritus excelsa profatur voce : adjuro, inquit, ut si quis hic me latet, sese ostendens innotescat. Tunc illa respondens : Ego, inquit, hic lateo. At ille : Foras, inquit egredere, populus autem ingrediatur ecclesiam. Hoc facto, lingua soluta prædicat. Interrogata autem puella seque prægnantem confessa, cunctis paruit, quod sæculo paritura esset filium qui sermonis divini facundia cunctos Britanniae doctores excederet [35].

3. » Interea quidam ex confinio tyrannus[36] erat, qui ex magorum vaticinio audiebat, filium suis in finibus nasciturum, cujus potestas totam occuparet patriam. Notatoque magorum oraculis loco, in quo nasceretur, ei jam invidens, solus tot diebus loco supersedere decrevit, ut quemcumque vel modicum ibi quiescentem inveniret gladio perimeret. Urgente autem partus tempore, mater ipsum locum petebat, quem ex magorum præsagio tyrannus observabat. Ipsa vero die tanta aëris tempestas invaluit, quod nullus vel etiam foras egredi audebat. Locus autem in quo mater parturiens ingemiscebat, magna lucis serenitate fulgebat. Urgente vero dolore in petra, quæ juxta erat, manibus innixa est, quæ vestigium veluti cera impressum petra intuentibus ostendit, quæ et in medium divisa dolenti matri condoluit. Deinde ab Eliso Numitinensium [37] episcopo baptizatus, novos cæco oculos, qui eum sub unda tenebat, respersis aqua oculis præstando diem ignotum aperuit. In ipso vero loco ad baptizandi ministerium fons subito aquae lucidissimæ erumpens apparuit.

4. » Puer autem nutritus in loco, qui vetus rubus [38] Dicitur, ibi litteris eruditus ecclesiasticum didicit servitium. Condiscipuli autem columbam eum docentem, atque cum eo hymnizantem cernebant. Sed et succedente tempore crescentibus virtutum meritis, virgineam carnem servans, presbiter ordinatur. Inde profectus Paulinum S. Germani discipulum, adiit doctorem, qui in insula nomine Dilangerbendi [39] gratam Deo vitam ducebat. Contigit autem ut Paulinus eodem tempore quo S. Devi cum ipso manebat, oculis privaretur, factumque est ut congregatis in unum discipulis, ex magistro rogatu, singuli oculos magistri crucis impressione tangentes benedicerent, ut eorum oratione et benedictione sanaretur. His itaque per ordinem hoc facientibus, petitum est ut S. Devi magistri oculos tangeret. Ille vero respondens : Nunc usque, ait, magistri faciem non aspexi. Tanta namque verecundia perfusus est, quod per decem annos, quibus cum doctore vixerat, ejus faciem non aspexit. Cui magister : Leva tantum manum, langens oculos nec tamen cernens, et sanabor ; quod et factum est. »

Le chapitre 2 et les suivants racontent l’élévation de S. Devy à l’épiscopat, et les miracles qu’il opéra dans la suite : mais bien différemment de ce qu’on lit dans notre manuscrit.

La ressemblance qui existe entre le premier chapitre et le Buhez, est si grande, qu’il faut de toute nécessité que l’un ait été la source d’où l’autre a été tiré. Mais auquel appartient la priorité ?

Voici les motifs qui me déterminent en faveur du texte breton : Premièrement, dans un écrit original toutes les parties sont liées entre elles, toutes concourent au même but ; c’est ainsi que dans notre poëme la vision miraculeuse du roi Keriticus le détermine à partir pour la chasse et à devenir par suite le père de saint Devy, page 35, que tous les personnages la connaisseur et la mentionnent, passim ; tandis que dans la légende latine elle n’est racontée au premier paragraphe que comme un hors-d’œuvre ; qu’il n’en est plus fait mention dans la suite, et que même c’est au hasard qu’y est attribuée la présence du roi en Démétie, lors de sa rencontre avec Nonita. Comment, à ces caractères joints à la sécheresse dans les détails et au bouleversement dans l’ordre des faits [40], ne pas reconnaître l’œuvre d’un abbréviateur qui, trouvant rejeté à la fin du prologue un récit rebelle à la mise en action, l’a aussi placé en tête de son ouvrage, mais sans conserver, dans sa maigre analyse, les liens qui l’unissaient aux événements postérieurs.

Secondement, dans la dernière partie consacrée à saint Devy, il ne se trouve aucune des traditions recueillies par Ricemarch. Cependant si la légende de ce dernier a été la source du poème, comment expliquer cette différence ? Abandonne-t-on le canevas qu’on embellit au moment qu’il devient plus fécond ? Telle est la conduite qu’il faudrait attribuer à l’auteur du Buhez s’il n’est qu’un amplificateur ; car les faits et les miracles contenus dans l’ouvrage latin sont beaucoup plus nombreux, beaucoup plus glorieux que ceux du texte breton. Si, au contraire, la légende n’est qu’une analyse du mystère, il n’y a plus de difficulté, car cette partie n’appartient pas au travail primitif, comme nous le verrons tout à l’heure.

J’ajouterai à ces considérations que tous les légendaires des XIIe et XIIIe siècles semblent avoir puisé dans la première partie du Buhez. C’est dans cet ouvrage, pag. 115, vers 12 (la mesure prouve qu’il n’y a pas de faute), que l’un d’eux, publié par Capgrav, a trouvé le nom de Paulantin, qu’il donne au maitre de David. Alain des Isles, mort en 1202, l’avait certainement devant les yeux, lorsqu’expliquant ce passage des prédictions de Merlin : Un prédicateur d’Hybernie deviendra muet à cause d’un enfant encore renfermé dans le sein maternel (c’est la traduction libre des vers 8, 9 et 10 de la page 48), il dit : « Sanctus David britonum Walensium archiepiscopus dum adhuc in materno utero clauderetur, et die quadam prædicator Hyberniae… verbum Dei populo prædicaret, superveniente matre sancti David , repente obmutuit ; qui postmodum resumpto usu loqueudi cum spiritu prophetiæ, instar Zachariae patris B. Joannis prophetavit, et dixit mulieri illi, magni meriti fore puerum quem gestabat et excelsum in verbo gloriæ, et cui ipse merito cedere, ut pote meliori deberet, et quasi obmutescere [41]. Usher, page 238. » N’est-ce pas la traduction de ce que dit saint Gildas, vers 11, 12, 13 et 14 de la page 78.

Tous ces motifs ne sont-ils pas suffisants pour placer la composition de notre poëme avant le travail d’Alain des Isles et de Ricemarch, avant donc le XIIe siècle, c’est-à-dire dans la période brillante de la poésie cambrienne, à une époque dont la discipline autorisait la manière dont Nonita est reçue dans le couvent et promet obéissance entre les mains de l’abbesse, sans qu’il intervienne aucun prêtre, aucune cérémonie religieuse [42].

Mais rappelons-nous toujours que nous ne possédons point le Buhez dans sa pureté primitive. Une main inconnue y a fait de nombreuses additions, dont elle nous a indiqué la source par une note latine insérée à la page 202, et qui se termine ainsi : « Hæc et quam plurima alia de libro qui de gestis regum Britannorum nuncupatur de sancto Davidagio et sancta Nonita addidimus. »

Tâchons de préciser davantage le fait que cette vague indication nous révèle. Elle ne nous laisse pas de doute sur l’addition de la troisième partie Saint Devi, addition que nous pouvions déduire de ce que cette partie a été inconnue à Ricemarch et qu’elle ne contient, outre le développement des emprunts faits à Geoffroy de Montmouth [43], que trois miracles qui se rencontrent dans presque toutes les légendes du moyen âge. La langue porte d’ailleurs un caractère plus moderne.

Faut-il ranger dans la même classe les Miracles ou le Jugement ? La mention du sénéchal, comme juge, m’y ferait incliner, si je ne trouvais, dans cette partie, des indices d’une origine plus ancienne. La langue est celle de la première partie ; la forme du jugement convient au Xe et XIe siècle. C’est alors que l’on décidait un procès pour créances dont on ne pouvait justifier ni par écrit ni par témoin, en faisant jurer au débiteur, sur des reliques, qu’il ne devait rien [44] ; que le rôle de l’avocat se bornait exposer simplement la cause, et à s’efforcer par ses questions de faire tromper la partie adverse [45]. Je crois donc que le jugement, sauf quelques interpolations, appartient à l’auteur primitif. Ricemarch, il est vrai, n’en parle pas, mais on peut remarquer qu’il passe, dans son analyse, sur tout ce qui est spécial à sainte Nonne et ne la mentionne que lorsqu’elle se trouve intimement mêlée aux faits qu’il rapporte.

Les additions qu’a subies la première partie, sont d’un genre si particulier, que je dois, avant de les indiquer, entrer dans quelques développements. Le Buhez doit avoir été composé dans la Cambrie, puisque les auteurs où nous en avons trouvé des fragments, ont vécu et écrit dans cette contrée, que tout s’y rapporte dans le poëme, noms de lieux [46] et de personnes [47], circonstances de mœurs [48], etc. Il y a plus, à la page 48, saint Gildas prédit que c’est dans l’île dans laquelle il parle, en enesen, et on peut l’en croire, ajoute-t-il, que David est destiné à instruire les peuples. Lorsque notre manuscrit, page 100, vers 8, fait dire au prêtre qui le baptise, que David sera saint et grand dans la Basse-Bretagne, c’est-à-dire qu’il y vivra, il y a donc là une interpolation, pourvu, toutefois, que les mots breiz yzel, indiquassent aussi dans ces temps reculés, ce dont on peut douter, la contrée qui forme actuellement le département du Finistère. Il y en a encore un, nous l’avons montré plus haut, dans la mention du tombeau de sainte Nonne entre Daoulas et Landerneau, une autre probablement dans l’Ave gratia du prédicateur, etc., je laisse à la sagacité du lecteur à déterminer ce qui peut encore être attribué à l’interpolateur, que l’âge de la copie ne permet pas de placer à une époque plus rapprochée que le XIIIe siècle, et je viens à l’édition que je publie aujourd’hui. Elle est, sauf la pagination, le fac simile le plus exact qu’il m’a été possible du manuscrit qu’elle reproduit ; mêmes liaisons entre les mots, mêmes séparations entre les parties d’un même mot, mêmes fautes de transcription.

Les raisons qui m’ont déterminé à agir ainsi, sont le manque de manuscrit, autre que le mien, que je pusse collationner ; la crainte de corrompre le texte en changeant des expressions qui peuvent sembler fautives dans l’état actuel de nos connaissances, mais que la découverte d’autres anciens ouvrages justifierait peut-être ; le peu de fixité de l’orthographe bretonne, etc. Les inexactitudes qui m’étaient échappées à la correction des épreuves, sont relevées dans un errata, malheureusement trop long, mais que j’ai lieu d’espérer être complet.

Je dois ici offrir mes remerciements publics à M. Le Gonidec, auteur d’estimables ouvrages sur la langue bretonne, qui s’est donné la peine d’esquisser la traduction que je publie aujourd’hui. Elle m’a généralement semblé de nature à satisfaire ceux qui connaissent les difficultés qu’offre l’interprétation d’un texte plein de locutions inusitées, ou détournées de leur acception la plus ordinaire. Je l’imprime donc telle qu’il l’a composée, sauf un petit nombre de corrections littéraires que j’ai hasardées pour rendre la phrase plus correcte, ou mieux faire ressortir la pensée de l’auteur [49] ; car je n’ai eu d’autre but, en faisant cette publication, que de mettre entre les mains des savants un document propre à fournir matière à des travaux qui seraient importants, je dirai même glorieux pour notre pays.

Si dans cette préface, je suis parvenu à soulever quelques-unes des questions que cet ouvrage peut suggérer, peut-être même à en indiquer la solution, je me fais gloire de déclarer hautement que je le dois à la direction qu’a bien voulu donner à mes travaux le savant illustre qui permet au Buhez de paraître sous ses auspices.

Au moment où l’on imprimait cette dernière feuille, la mort est venue m’enlever en M. Raynouard l’ami qui souriait à mes efforts et le guide qui se plaisait à m’initier dans l’art si périlleux de la critique, art qu’il possédait au suprême degré.

Je dois donc m’abstenir de reproduire ici le jugement, sans doute trop avantageux, qu’il portait de mes travaux, et qu’il voulait consigner à la fin de cette préface. Il me suffira de faire remarquer que le Buhez avait été pour moi l’occasion d’examiner une foule de questions qui se rattachent à l’origine de la langue française ou à celle du gaulois même. Les résultats que j’avais obtenus étaient basés sur l’analyse grammaticale des langues autrefois parlées sur le sol que nous habitons, et confirmés par l’autorité des auteurs anciens. Ces recherches, qui embrassent un champ immense, auraient pu, à raison de la multiplicité des détails, faire perdre de vue le point vers lequel elles convergeaient ; pour parer à cet inconvénient, M. Raynouard jugea que je devais présenter ce point culminant dégagé de presque tout ce qui l’appuyait, du-t-il même perdre quelque chose par suite de son isolement des discussions qui l’éclaircissaient et en faisaient ressortir l’importance. Tel est le but de cette préface. Il sera, je l’espère, un motif suffisant d’excuses pour les omissions qui s’y rencontrent, omissions, dont je sens toute la gravité.

Je crois utile de donner en finissant le catalogue des ouvrages anciennement imprimés en langue bretonne dont la connaissance est nécessaire pour la parfaite intelligence du texte du Buhez et des questions qui s’y rattachent

1° Le plus important est le Glossaire latin gaulois (Vocabularium Gallicum) conservé dans la bibliothèque Cottonienne, Londres, et publié avec une traduction anglaise, par Pryce, dans son Archeologia Cornu-Britannica. Sherborne, 1790. Cet ouvrage dont la copie appartient au IXe siècle, est purement breton, il contient plusieurs mots avec une forme romane.

Les mystères de la Passion et Résurrection de J. C., du trépas de la Sainte Vierge, et de la vie de l’Homme, imprimés à Paris, chez Quillevere, rue de la Bûcherie. 1530.

Buffret Quoatquevran Catholicon, lequel contient troys langaiges breton, franczays et latin. Chez Jean Calves, cinquième jour de novembre 1499. Treguier, in-folio, petit papier, 210 pages.

Catholicon armorico-franco-latinum a Johanne Lagadec.

Dictionarium britonum-britannicum, gallicum, latinum studio Joh.Corre. Treguier, 100 pages.

6° Catholicon seu artificialis dictionarius trifariam partitus, gallice et latine, anno millesimo… primo. Imprimé chez Quillevere.

C’est la notice de M. de Kerdanet sur les hommes célèbres de la Basse-Bretagne, qui m’a fait connaître la plupart de ce ouvrages.

A. SIONNET.

1° J’ai mis entre parenthèses les mots interlinéaires écrits de la même main que le reste du poème.

2° Ceux entre crochets indiquent une correction d’une main moderne. Je me suis servi de ce même signe, faute d’un autre pour enfermer quelques mots bretons, ne formant aucun sens, écrits au commencement et à la suite de deux vers, pag. 158, et que le plan d’un fac simile demandait qu’on ne négligeât pas.

3° Les lettres italiques sont celles dont la lecture est douteuse.

4° J’ai mis en petites capitales les lettres encore lisibles lors de la première transcription, mais qui ont disparu depuis.

5° Les vers placés entre deux astérisques pag. 202, 204, se lisaient sur la dernière feuille, qui était transposée ; le traducteur a cru que leur place était où je les ai insérés.

6° Je viens de m’apercevoir que le mot que j’ai toujours transcrit roe, et qui portait une barre sur l’e, est quelquefois, dans le corps du manuscrit, écrit roen, en toutes lettres. Il faut donc lire ainsi partout où ce mot se rencontre.

————


BUHEZ SANTEZ NONN.
————
VIE DE SAINTE NONNE.
BUHEZ


SANTEZ NONN.



Deus pater.

Ael mat quae en stat man
abreman voar an bet
Bede Patricius : joaeus gra escus net
mont voar tech an lech hont
dezaff gra pront contet
Querzet certen dren bro
Eno ne chomo quet
Lauar dezaff parfet
diuset ezaedi : gant doe just ha leal
real dre e aly : da pen tregont bloaz eo.
Ez duy beo sant Devvy
aman da bout ganet
proficiet edy.

VIE


DE SAINTE NONNE.



Dieu le père.
Bon ange, va sur-le-champ dans le monde, va trouver Patrice. Qu’il aille avec joie au loin ; qu’il abandonne le lieu qu’il habite. Donne-lui l’ordre de parcourir promptement le pays ; il ne doit pas rester là. Dis-lui positivement qu’il est choisi de Dieu juste et loyal pour faire connaître ses ordres. Dans trente ans d’ici, naîtra saint Devvy ; il est prédit qu’il sera engendré ici.
angelus ad patricium.

Lleo Patricius diuset
Les an placc man na ehan quet
Eux a hanen da em ten net
gant doe so cren gourhemenet
Da tregont blizien ma entent
Ez duy aman vnan an sent
… Et deuy leun a squient

patricius.

… so non parail maruaillet
a gant da moez ez off soezet
Oz songaff bepret an fetou
em calon don ez estonaff
ne gon en noar pez a graff
Sebtzaff a graff gant caffou
Frustet eo cren ma pedennou
collet en bet man ma poanyou
coezet off e gou ha souzan
ouziff bout digracc discascun
soingis de ia dre ma hun
ma cacc voar jun euit vnan
Na duy hoaz an tregont bloaz man
ne vezo ganet credet glan
ha monet hep span a hanen
monet voar mar e bro arall
ha bout pen ysel euel dall
euez caffout goal a gallen

l’ange a patrice.

Écoute, Patrice, homme choisi ; quitte ce lieu, ne tarde pas à te tirer d’ici. Par la volonté de Dieu, il a été expressément ordonné que dans trente ans, entends-moi bien, il naîtra ici un saint qui viendra au monde plein de science.

patrice.
Je n’ai jamais entendu conter chose pareille, et ta voix m’étonne. Quand je songe à cette merveille, je suis surpris au fond de mon cœur ; je ne sais ce que je fais. Je suis étourdi et bien étonné, mes prières sont tout-à-fait vaines ; mes peines, en ce monde, sont perdues. Je suis tombé dans l’erreur et dans l’égarement, j’éprouve des sentiments d’amertume et de dégoût. J’y pense jusque dans mon sommeil. M’envoyer à jeun au-devant de quelqu’un qui ne viendra pas avant trente ans, puisqu’il ne naîtra qu’à cette époque, soyez-en sûr ; m’en aller sans repos d’ici pour habiter, sans doute, un autre pays, et marcher la tête basse comme un aveugle ; ne pourrais-je pas m’en trouver mal ? Que fait à Dieu, vrai roi du

Petra eo da doe guir roe glen
euel goas lig en seruichen
guellaff maz gallen ne gren quen
pan eux cusul dam exuly
eux an bro man ma forbany
… seruichi muy bizuiquen
Me yelo breman voar an glen
ma hunan breman a hanen
den da perchen nem gouleno
palamour sascun da vnan
na duy hoaz en tregont bloaz man
me aia breman dre an bro.

deus pater.

Ael flam dinam entent aman
quae rac da drem lem a breman
bed patric glan so souzanet
Comps flam familiarament
Sal delcher flam mandamant
ez vezo presant constantet.

angelus.

Lleo Patrici na difiquet
E doe roe bet rac an fet glan
te vezo apostol ha pen
do quelen en enesen man
Enez pep tro te vezo poan
palamour glan da roe an bet
hoguen doe roe tir a miro
dit tra hedro na noaso quet.

pays, que je le serve comme un homme lige ? Je ne le ferais pas mieux que je ne puis, eût-il l’intention de m’exiler et de me bannir de ce pays-ci, pour ne plus servir désormais. J’irai maintenant par le pays, je partirai tout seul d’ici. Personne ne me demandera pour maître, pour l’amour de quelqu’un qui ne viendra pas avant trente ans ; je vais actuellement par le pays.
dieu le père.

Ange brillant et sans tache, écoute ici : va droit devant ta face jusqu’à Patrice le pur, qui est dans le trouble ; parle-lui clairement et familièrement. Dis-lui que, s’il garde fidèlement l’ordre, il sera bientôt content.

l’ange.
Écoute, Patrice : ne perds pas ta confiance en Dieu, roi du monde ; car c’est une chose certaine que tu seras apôtre, et le premier à enseigner dans cette île. Tu auras souvent de la peine, parce que tu es pur devant le roi du monde ; mais Dieu, roi de la terre, empêchera que rien de fâcheux ne te nuise.
patricius.

En calon reson pan soingaff
Ha bout inspiret a credaff
gracou a rentaff quentaff pret
Rac me preder lem a breman
dre credancc an contanancc man
gant an speret glan elanvet
me a laeso spacc vng placc net
gant an mab man so diouganet
monet a pret me a preder
tremen gant enor an mor sall
monet hep mar e bro arall
na viziff nep goal ta mallet
Pret eo vn lest e ampresti
euez yscuit merdeydy —
don conduy en Hybernia
ha maziff deia eux a breiz
euit prezec breman an feiz
hac vn locman reiz don treiza

runiter senex incipit.

Runniter aman off hanuet
maz off leun creff a pep cleffet
duet eo an pret maz decedy
coz off ha leun ah a glachar
nemeux na ioa na cuff na car
negon en noar pez a graff

patrice.

Quand je pense à ce qui se passe dans mon cœur, je me crois inspiré. J’en rends d’abord grâce à Dieu, et mon plus grand soin, en ce moment, par la foi que j’ai dans les paroles prononcées par l’Esprit saint, l’ange du monde, est de laisser la place vide pour cet enfant qui est prédit. J’aurai soin de partir à temps, de traverser avec honneur la mer salée, d’aller sans hésiter dans un autre pays, pour que je ne sois exposé à aucun blâme. II est temps que je loue un navire et aussi d’agiles matelots pour nous conduire en Hybernie, et que je m’éloigne de la Bretagne pour prêcher incessamment la foi ; il faut aussi un bon pilote pour la traversée.

le vieillard runiter commence.
On me nomme ici Runiter. Je suis tourmenté de maladies ; le moment est venu où il me faut mourir. Je suis vieux et accablé de chagrin ; je n’ai ni joie, ni parents, ni amis ; je ne sais en vérité ce que je fais.
mors.

Me eo hep dianq an ancou
so duet dre splet an pechedou
an maru off hep gou dan tnou man
pour piuizic ne chem nigun
euit nep gracc quen disascun
na laziff comun ma hunan
Te Runiter cret an guer man
a laziff rac drem a breman
gant vn taol moan me az goano
me az scoy real en calon
Rac me so pugnes direson
gant ma raillon mez estono

runiter.

Ach autro doe so guir roe bet
pardon diff net am pechedou
guenez certen ez off prenet
dam miret oz drouc speredou
Me guel vng corff maru an garuhaff
me ya de sellet a credaff
ha de diuisquaff quentaff pret
aour nac argant mar deux gantaff
me aya a herr de enterraff
de sebeliaf nen nachaf quet
Me a soing a scler em speret
vn den aman pan deuz an pret
a voe sebeliet a credaff

la mort.

C’est moi, sans aucun doute, la mort, qui suis venue par suite des péchés. Je suis la mort, sans mentir, dans cette vallée. Pauvre ou riche, aucun ne reste ; je ne fais grâce à personne et je tue moi-même tous les hommes. Toi, Runiter, crois cette parole : je te tuerai sur-le-champ ; d’un faible coup je t’oterai les forces, je te frapperai droit au cœur, car je suis un être sans raison ; avec ma faux je t’étonnerai.

runiter.

Ah ! Seigneur Dieu, qui êtes le vrai roi du monde, pardonnez-moi tous mes péchés, vous m’avez racheté, gardez-moi contre les mauvais esprits.

(Un passant.) Je vois un corps mort des plus hideux ; je vais le considérer de près, et d’abord le déshabiller pour voir s’il a sur lui de l’or ou de l’argent, et ensuite je ne manquerai pas de l’enterrer et de l’ensevelir promptement.

(Patrice.) Je vois clairement, dans mon esprit, qu’un homme ici fut enterré dans le temps. Il y

pemdec bloaz so rac drem a breman
ma oz gouruez en bez man
goude e poan oz ehanaff
Doe guir roe bet a requentaff
breman presant mar plig gantaff
gant merit e rescuscitaff
ha digacc guir buhez dezaff

patricius.

Maz safo breman ahanen
da monet buhan dre an glen
cuff hac vhel eguit quelen
laesen doe hac e gourhemen.

runiter rescuscitatus.

Ach autrou doe so guir roe bet
me so net rescuscitet scler
goude ma angoes han esflam
en placc man flam a pell amser
A het pemdec bloaz e noaz der
cals a hirder a quemeren
aman coff ha quein ez breiniz
aet voan voar ma quis da dispen
Aman ma hunan ez manen
den a nep pen nem goulene
duet eo diff consol am soulacc
goude hir spacc, acc a gracc doe
Dre da oreson discomboe
em dascorchas doe an roe mat

a, je crois, environ quinze ans qu’il est enterré dans ce tombeau, où il repose après toutes ses peines. Je supplie Dieu, vrai roi du monde, qu’il lui plaise actuellement de le ressusciter, et de lui envoyer une nouvelle vie.
patrice.

Qu’il se lève d’ici pour aller vite par le pays afin d’enseigner, avec douceur et fermeté, la loi et les commandements de Dieu.

runiter ressuscité.
Ah ! Seigneur Dieu, toi qui es le vrai roi du monde, me voilà véritablement ressuscité après mes angoisses et mes afflictions : je suis resté longtemps en ce lieu ; depuis quinze ans j’étais tout nu et étendu dans toute ma longueur ; ventre et dos, tout était pourri et j’étais entièrement décomposé. Je restais ici tout seul, personne absolument ne me demandait ; mais il m’est arrivé consolation et soulagement, après un long espace de temps et par la grâce de Dieu. Par ta prière, pendant que j’étais couché, Dieu le bon m’a ressuscité : j’ai été rendu à la vie pour renouveler la foi.

Maz off duet pep tu e buhez
Eguit an fez he neuezhat
ha hoantec da trugarequat
da heul euel tat ha patrom
dre gracc quer mab doe guir roe ster
a grif sider da ynerdon.

nauta.

Deomni tut sauant ha santel
me aya breman didan goel
setu vhel an auel mat
deomp randon euel tut onest
Eza merdeidi manifest
mazaimp prest en vn lestrat.

patricius ad runiter.

Deux gant apetit Runiter
guenef scler bede Hiberdon
maz groahimp apret hon trette
da seruichaf doe guir roe tron

runiter.

Mma studi ma opinion
voa gueneoch ha reson monet
dre hoz mister ha hoz merit
ez off iscuit rescuscitet

nauta.

Setu huy en Hibernia

Désireux de te marquer ma reconnaissance, je te suivrai comme mon père et mon patron ; et par la grâce du fils de Dieu, vrai roi des astres, je ferai joyeusement le voyage d’Hiberdon.
un matelot.

Allons, gens savants et saints, je vais bientôt mettre à la voile ; voilà le bon vent qui s’élève : allons tous, comme d’honnêtes gens. Çà, matelots, apprêtez-vous ; hâtons-nous de nous embarquer.

patrice à runiter.

Viens avec joie, Runiter, viens avec moi jusqu’à Hiberdon ; que nous fassions de suite notre traité pour servir Dieu, vrai roi des trônes.

runiter.

Mon désir et mon avis étaient de vous suivre, et la raison me le commande ; car c’est par votre ministère et par vos mérites que je suis promptement ressuscité.

le matelot.
Vous voilà dans l’Hybernie, dans la petite île

en enes clos hanuet rosina
breman gat ioa na esmayt
pan edouch certen en enes
doe ra roy deoch ioa paradoes
adieu expres ny hoz les cuit

patricius.

Doe ra roy deoch scler cals merit
da monet dan bro ha profit
ha cals gonit euidant
ny a pedo doe guir roe ster
maz vihet flam e pep amser
adieu ma tut quer reuerant

nonita vovendo.

Ach autrou doe se guir roe bet
receff ma requet en bet man
ma mir e pep lech oz pechet
e gracc meurbet an speret glan
En bet ne deux quet nemet poan
pan vezer aman ganet
ha cals a souzan hac a nech
allas dre an bech a pechet
Dre cals azrec me az requet
ez vezo cleuet ma peden
mar be profit na merit glan
ez ahen breman ahanen
me so inspiret meurbet ten

nommée Rosina. Actuellement vous pouvez vous livrer sans trouble au plaisir, puisque vous êtes arrivé dans l’île. Que Dieu vous donne la joie du Paradis ! adieu, nous vous laissons et nous nous en allons.
patrice.

Que Dieu vous accorde beaucoup de faveurs, qu’il vous fasse arriver dans votre pays avec gain et profit ! Nous prierons Dieu, vrai roi des astres, que vous soyez bien portants en tout temps ; adieu, mes amis, hommes si respectables.

nonita faisant un vœu.
Ah ! Seigneur Dieu, toi qui es le vrai roi du monde, reçois ma requête en ce lieu-ci ; garde-moi en tout lieu de péché et conserve-moi en la grâce du Saint-Esprit. Il n’y a que de la peine dans ce monde, depuis le moment de la naissance. Hélas ! il n’y a que soucis et inquiétudes par suite du péché. Par toutes ces tribulations, je te supplie instamment d’exaucer ma prière : s’il y a profit ou mérite, que je m’en aille maintenant d’ici. Je me sens fortement inspirée, et mon ange blanc me conseille de me faire

rac ma ael guen am quelen scler
monet breman da leanes
an tra spes eo ma esper
Maz pliche gant doe guir roe ster
en e niuer ma quemeret
me gray veu net a chastete
ha a perseuere bepret
Euel vn merch en he guerchdet
conduy net a apetaff
da goulen hep goab an abit
mar be profit dif acuitaff
me ya grant brut da saludif
an poent quentaf pan guelaf aes
dre cals merit em quefridy
beden leandj alies

abbatissa ad sorores.

Me guel vn merch heruez he derch guerches
so he study dont don ty alies
maz vacq certes courtes da oreson
me aia par tout da gouzoüt diouty
petra a mat a gra en abaty
a he sourci ha he ompinion

nonita salutando abbatissam.

Me hoz salut louen en facc
guelet ho gracc am soulacy
me compso dich scler an merit

religieuse : c’est là aussi mon plus grand désir. S’il plaisait à Dieu, vrai roi des astres, que je fusse admise dans leur couvent, je ferais vœu formel de chasteté et j’y persévèrerais toujours. Comme une fille dans sa virginité, je désire me conduire avec pureté et demander l’habit sérieusement, si c’est profit pour moi de le prendre. Je vais d’abord saluer l’abbesse avec respect, puisque j’en ai la commodité ; et, pour attirer plus de mérite sur ma résolution, j’irai souvent au monastère.
l’abbesse aux sœurs.

Je vois une jeune fille qui me semble une vierge, et qui a l’habitude de venir souvent dans notre maison ; elle est toujours recueillie en son oraison. Je vais tâcher de savoir d’elle pourquoi elle vient dans l’abbaye, quel est son dessein, quels sont ses sentiments.

nonita saluant l’abbesse.
Je vous salue avec joie, j’éprouve un grand soulagement à voir votre grâce ; je vais vous dire

hac an profit am queffridj
Troet eo em brut em studi
dont dauedouch huy en tyman
maz carech scler ma quemeret
ez rahen requet credet glan

abbatissa

Mil melcony ha sourcy en ti man
cals a poanyou hep comps gou ha souzan
mar bech ama en ty man leanes
renoncc dan bet parfet a couder pur
ha man ha tat tiz mat ha pep statur
aranquech sur illur croeadures

nonita.

Doen an poan en leanes
a grif spes heruez hoz leasen
rac me mem ro dirac hoz drem
da sintif lem oz pep gourchemen
Dre hon reol ret ro dre scol goulen
ha dren chabistr quent maz ministren
cusul pep pen a quement so enhy
me aia hegar hep mar dre hoz caret
da gouzout scler a huy ve quemeret

clairement quel est le sujet qui m’amène et l’avantage que j’espère retirer de mon dessein. Mon esprit et mon coeur m’ont portée à venir vous trouver dans cette maison ; si vous daignez me recevoir, je vous en adresserai la demande expresse.
l’abbesse.

II y a dans cettte maison mille chagrins et mille soucis ; il y a, sans mentir, beaucoup de peine et de tourments. Si vous étiez religieuse dans ce couvent, il vous faudrait renoncer entièrement au monde et vivre dans la chasteté ; il vous faudrait abandonner père, mère, parents, et toutes autres personnes de toutes conditions.

nonita.

Je supporterai volontiers toutes les peines d’une religieuse d’après votre loi, et je m’engage ici devant vous à obéir ponctuellement à tous vos commandements.

(L’Abbesse.) D’après notre règle, il faut que je rassemble et que je consulte le chapitre, avant de rien décider ; que je prenne l’avis de

rac gourtoet moz pet hoz quefridj.


(Vadit ad capitulum.)

Leaneset cleuet denesset huy
breman sider mecher vn materi
parfet detri dre congregation
duet eo vnan ama da bout leanes
ne cafaf gour he quen flour quen courtes
eman guerches expres en oreson
maz goulen spes courtes dre guir reson
oll mar bech huy a vn opinion
deuotion he deueux da donet
da seruich doe an roe an guir croeer
leueret spes ac ef so hoz esper
en hon niuer ez ve scler quemeret

sanctimoniales.

Mar deu sauant prudant e pep andret
ez dlehemp scler sider he quemeret
huy goar neta hy so parfet acc
da seruig doe diuoe so guir roe bro
perseuerant sal he sem contanto
hac ez vezo e pep tro en hoz gracc

toutes et de chacune de celles qui sont dans la maison. Je vais, avec affection et sans retard, parce que je vous aime, m’informer positivement si vous serez reçue. Attendez donc, je vous prie, que j’aie rendu compte de votre désir.

(Elle se rend au chapitre.)

Religieuses, approchez et écoutez ; voici une affaire importante et qui intéresse notre congrégation. Il se présente ici une personne pour se faire religieuse ; on n’en saurait trouver une aussi belle et aussi courtoise : c’est une véritable vierge dans l’oraison. Sa demande est fort raisonnable ; si vous êtes unanimes dans votre opinion, elle a la dévotion de servir Dieu le roi, le vrai créateur. Dites franchement si c’est votre désir qu’elle soit reçue au milieu de nous.

les religieuses.
Si elle est instruite et prudente de toute manière, nous devons certainement la recevoir avec plaisir. Vous devez savoir si elle est vraiment propre à servir Dieu, qui est le vrai roi du pays. Qu’elle persévère, et elle sera contente, et elle restera toujours dans vos bonnes grâces.
abbatissa.

Mont bet en hy hac en ty he digacc
a griff breman hep nep poan buhan acc
sellet he facc so soulacc è pep placen
me goar defri ezeu sapient
me a conclu ezeo a tut prudant
maruaill vaillant ha constant he santen

(A Nonitam eam introducendo.)

Duet guenef presant merch santel
beden ty santimoniel
cuf hac vhel euit guelet
maz cleuimp expres hoz reson
hoz studi hoz opinion
hoz deuotion da donet.

nonita ad Abbatissam.

Da seruichaf doe guir roe bet
ameux studiet credet sur
maz beuif iurdic bizuiquen
na nem bezo certen quen cur

abbatissa ad Nonitam.

Orzca voar se pan eo oz appetit
Guisquaf hep goab a didan an bet
cals a merit ha profit euydant
dre cals enor deoch ez vezo coruo
ny a autreo dren pez mazeo hoz hoant.

l’abbesse.

Je vais donc la trouver et l’introduire dans la maison, et je le ferai de suite et sans peine ; je la vois toujours avec plaisir. Je sais parfaitement qu’elle est sage, j’en conclus qu’elle appartient à d’honnêtes parents ; je la crois modeste, courageuse et constante.

(A Nonita en l’introduisant.)

Venez avec moi présentement, fille sainte, jusqu’à la maison de sainteté. Venez avec douceur et fermeté, et faites-nous connaître vos raisons, vos désirs, vos sentiments, et la dévotion qui vous amène ici.

nonita à l’Abbesse.

Je me suis vouée au service de Dieu, vrai roi du monde ; vous pouvez le croire, et je suis résolue de ne l’abandonner jamais.

l’abbesse à Nonita.
Çà, puisque c’est votre vocation, venez vous dépouiller des habillements mondains ; ce sera pour vous et gloire et profit. Votre corps sera revêtu d’honneurs, et puis nous nous rendrons à l’objet

Setu aman breman an comanant
lesel an bet a renquet competant
aour hac argant han hol paramantou
ha mam ha tat ha pep stat relatet
hac hoz querent da pep poent ententet
ha renoncc net da splet an pechedou
ret vezo iun, ober alusenou
dirac roe tron ober oresonou
dren vertuziou deuotionou bras
pichirindet bepret da compret poan
mintin ha nos gourtos hep reposuan
entet glan a breman deomp an cas.

nonita.

Contant of net bepret da compret poan
Joa ameux glan pa hoz eux diouganet
me he dougo vn dro hac em profit
a guir amit hoz eux dif recitet.

abbatissa.

Deux gant merit ez profit Nonita
mez benig glan breman hep ehana
ha da guisquaff dit gant ioa an abit
mir dif courtes hac exspres an lesen
desq an psaulter ha quae dan oferen
breman a cren me a gourchemen dit

de vos désirs. Voici maintenant le règlement : vous devrez sans retour dire adieu au monde, à l’or, à l’argent, à toute parure ; abandonner père et mère, tout état mondain, vos parents quels qu’ils soient, et renoncer entièrement à toute attache au péché. Il faudra jeûner, faire des aumônes, s’appliquer à l’oraison devant le roi des trônes, se donner à la vertu, se livrer à de grandes dévotions, souffrir toujours comme des pèlerins, veiller matin et soir sans prendre de repos. C’est bien entendu actuellement : allons au fait.
nonita.

Je ne demande pas mieux que d’avoir de la peine, et suis fort joyeuse de ce que vous m’avez annoncé. Je remplirai à mon avantage et profit les devoirs que vous m’avez détaillés.

l’abbesse.
Approchez avec mérite et pour votre profit, Nonita. Je vous bénis actuellement sans plus tarder, et vais vous vêtir avec joie de notre habit. Observez la loi fidèlement, apprenez le Psautier, et allez à la messe ; voilà ce que je vous recommande expressément.
nonita ad seipsam.

Breman ezeo aes ma esper
amoa pell amser prederet
ma studj ma opinion
voa e religion monet
Da servichaf doe guir roe bet
ezof em laquet apret mat
lesel an bet me a preder
nem deur uep amser he merat
Breman rac drem me a quemyat
diouz he hol stat ha he madou
da servichaf doe guir roe ster
ha soliter em oberou
Bezout hep si obediant
suramant dan mandamantou
beuaf real e lealtet
ha miret oz an pechedou

rex kereticus.

Orzca breman deomp buhan voar an maes
maz tut real amsal hac a pales
tregont bloaz spes a certes ne lesat
na chomet gour na day de nem pourmen
maz vizimp franc dianc diouz pep anquen
hiuiziguen pret eo plen louenhat
Pan of den bras den a choas hac a stat
e keritic so hep vicc provincc mat
deomp hegarat tut mat da ebataff

nonita à elle-même.

Maintenant l’espoir que je nourrissais depuis longtemps est satisfait. Mon désir et mes sentiments étaient d’entrer en religion. Je me suis vouée de bonne heure à servir Dieu, vrai roi de l’univers. J’aurai soin d’abandonner le monde ; je ne veux y rester en aucun temps. De ce moment, je dis adieu à toutes ses pompes et à tous ses biens, pour servir Dieu, vrai roi des astres ; et, solitaire dans mes oeuvres, je serai obéissante sans réserve aux ordres que l’on me donnera. Je vivrai en tout point avec loyauté, et me garderai de tous péchés.

le roi kereticus.
Ça maintenant allons vite à la campagne, gens fidèles de ma cour et de mon palais : j’ai bien trente ans passés ; que je ne reste plus un jour sans me promener. Laissons là tout souci ; il est temps désormais de se réjouir. Puisque je suis un grand personnage, un homme de choix et de qualité en keretic, qui est sans doute un bon

ret eo parfet monet da demetri
rac se me men ma enten bet enhy
me meux en hy an audiui muyhaf
Hac em calon quen don ez resonaff
ha ma speret bepret oz repetaff
na diferaff en taf ne menaf quet
duet em studi hac em opinion
em concianzc emeux vn doetancc don
heruez reson guirion ret eo monet.
Dre ma hunfre dif ez e reuelet
monet hep soez en dez da claz goezet
rac se tut clet parfet ez hoz pedaf
setu deompni defri liffrini ac en placc
dre un soulac gant spacc de discoazcaff


an quiznesl.

Me hoz guinhezl a quehezl mat
hac a goar an tro voar tro choat
me goar ho great quen natur
hac an hol loznet mo guedo
bleiz ha heizes mo encreso
mar bez en bro mo cafo sur

secundus.

Autrou duet hep mar da arhuest

royaume, partons, mes bons amis, pour nous divertir. Il faut que nous nous rendions à Démétri, car c’est ma pensée, ma volonté. C’est là que je me plais davantage. Une idée fixe est dans mon coeur ; elle se représente à chaque instant dans mon esprit. Je ne veux la taire, ni cesser de m’y arrêter ; c’est l’objet de mes désirs et de mes vœux. J’éprouve en moi un doute profond : ma raison me dit qu’il faut que je me mette en route. Il m’a été révélé dans un songe que j’allasse aujourd’hui, sans manquer, à la chasse des bêtes fauves : c’est pourquoi, bonnes gens, je vous en prie, allons promptement avec des lévriers au lieu que je vous ai indiqué ; nous y trouverons du chaume et des plaines.
le piqueur.

Je suis un piqueur, qui sais bien chasser et qui connais les êtres auprès de la forêt. Tous les détours m’en sont bien connus et je saurai guetter les bêtes. Je poursuivrai loup et biche. S’il y en a dans le pays, je les trouverai assurément.

un second.
Seigneur, venez hardiment examiner une

a tost dan mor en vn forest
certen eno ny o caffo prest
a pep sceurt heni manifest

tertius.

Euit loezn du me so cruel
ha caru maruel mar en guelaf
me meux liffrini raliet
a groay apret ho diffretaff

quartus.

Gat na louarn ne espernaff
euit ho tagaf quentaf pret
mar ho cafaf moan voar an reau
delcher ez veo lampereuet

primus.

Rac se hastomp na tardomp quet
deomp voar roez da clasq an goezet
mecher no neux quet a roedou
rac voar an placc gant an chacc man
donet a duy bras ha biban
a dalchimp glan a vnanou

secundus.

Syra hep faut hon guir autrou
deomny tizmat dre an coatdou

forêt près de la mer ; nous y trouverons promptement du gibier ; il y en a sans doute de toute espèce.
un troisième.

Pour les bêtes noires, je suis cruel, et mortellement dur, si je les vois. J’ai réuni des lévriers qui sauront bientôt les débusquer.

un quatrième.

Je n’épargne ni lièvre, ni renard ; je les attaque, dès que je les apercois. Si je les trouve raides sur la gelée, nous pourrons les prendre vivants.

le premier.

Hâtons-nous, ne tardons pas, allons à la clairière chercher les bêtes fauves. C’est dommage que nous n’ayons pas de filets, car dans ce lieu avec ces chiens-ci, il en viendra de grandes et de petites, que nons prendrions toutes l’une après l’autre.

le second.
Sire, notre vrai seigneur, allons vite à travers les bois chercher la venaison que

da clasq don an vanesonou

rex.

Me ameux net preparet banquedou
e demetri hep comps muy couiou
euel autrou em madou ez gnouo
an tut a choas tut bras adiasez
an tut vaillant prudant gant carantez
hac autronez gant guir fez am bezo
Deomp voar se ny a pourueo
a vanesonou maz gnouo
hac a gybyer ny quemero
quement hep nep goal a fallo

nonita.

Me aia scler dan offeren
dan ylis guen em em teniff
aielo prest dren forest man
breman buhan ne ehaniff

rex.

Me guel vng merch heruez he derch he guerchdet
en oreson quen dison oz monet
he ne gon quet en bet pez a preder
me men gouzout hep nep dout diouty
pe alech voa na pelech ez ahy
yt da guitty da comps outy try guer

vous nous demandiez, il n’y a pas long-temps.
le roi.

Jai préparé des banquets à Démétri, où j’aurai beaucoup de convives. Comme seigneur, je réunirai dans mes terres des hommes choisis, des hommes de qualité et de pouvoir, des hommes vaillants, prudents et aimables. J’aurai aussi des seigneurs pleins de fidélité. Allons nous pourvoir de venaison et prendre du gibier, sans causer de dommage à personne.

nonita.

Je vais à la messe, que j’entendrai à l’église blanche. Je traverserai bien vite cette forêt, sans m’arrêter aucunement.

le roi.
J’aperçois une jeune fille, qui est vierge selon l’apparence, et qui marche en priant tout bas. Je ne sais point ce qui l’occupe : je veux savoir d’elle positivement d’où elle vient et où elle va. Allez la trouver pour lui dire trois mots.
nuncius regis ad Nonitam.

Huy demesell so trauellet
aman hoz hunan souzanet
ha rac se parfet hoz pedaff
donet breman a perz an roe
so razas oz tremen vase
peur dicomboe de auoeaff
Noz bezet dout da cornps outaff
breman gant brut de saludaff
rac se duet scaff hep tardaff quet
setu eff arriuen diguez
da guelet coant ho carantez
hac an guirionez gouzuezet

rex ad Nonitam.

Merch flour courtes douces plesant
Salud prudant a presantaff
aet off e pep quis pen ysel
vaiilant santel pa hoz guelaff
Ouzouchuy goulen a menaff
an poent quentaff hep bezaff lent
maz dereit flam hoz amser
na piu eo sider hoz querent

nonita.

Pan aedoff aman voar an hent
ma querent so tut antentic
tut fier a britonery

un envoyé du roi à Nonita.

Mademoiselle, vous paraissez tourmentée ; vous êtes troublée sans doute de vous trouver ici toute seule. Je vous prie donc instamment, de la part du roi, qui est devant vous et qui passe par-là, de venir le trouver, et de répondre sans crainte à ses questions. Allez le saluer avec grâce ; allez vite, ne tardez pas. Le voilà justement qui arrive pour contempler votre beauté, vous offrir son amitié, et savoir de vous la vérité.

le roi à Nonita.

Fille fraiche, courtoise, douce et gentille, je vous présente un salut respectueux. Ma tête s’incline devant vous, quand je vous vois belle et sainte. Je veux vous demander d’abord, sans paraître trop timide, si vous vous portez bien, et quels sont vos parents.

nonita.
Quoique je sois ici sur le chemin, mes parents sont des gens honnêtes, gens fiers de la Bretagne, gens nobles et de maison riche. Laissez vos

a noblanc a ti piuizic
Leset pep stat ha pep praticq
antentic em em aplicquet
ha duet breman en leandj
hac oz roe vellj raliet.

rex.

Quen fournis ez off rauisset
duet off diapell doz sellet
en hoz quenet emem hetaff
dre maz ouch merch huec ha hegar
quement maz ne cafaff par
hep quet a mar en hoz caraff
Quement maz off ezaedof claff
ma doucc buel pa hoz guelaff
ha finissaff a mennaff net
ouzouch en hoz drem memem clem
me comps affo dirac hoz drem
ret eo deoch lem reif diflf remet

nonita ad Regem.

Me cret nep lech ne carech quet
ez grahemp pechet en bet man
huy so roe hep faut hac autrou
na grit dif caffou na saouzan

rex ad Nonitam.

Pan edomp aman didan coat
en vn lech secret hep cretat

gestes et vos manières, comportez-vous honnètement ; venez de suite au couvent, et agissez en roi.
le roi.

Vous me voyez bien ravi : je me suis rendu vers vous sans être appelé. Je me plais à considérer votre beauté, car vous êtes une fille douce et aimable : si bien que je ne trouve personne que j’aime autant que vous. Votre vue me rend malade, mon humble maitresse ; je veux en finir en vous adressant mes plaintes directement. Je ne vous le cache pas, il faut absolument que vous donniez remède à mon mal.

nonita au Roi.

Je crois que vous ne voudriez en aucune façon que nous commissions un péché en ce monde. Vous êtes roi, vous êtes seigneur, ne me faites ni peine, ni chagrin.

le roi à Nonita.
Puisque nous sommes ici sous le bois, en un lieu secret et à couvert, accordez-moi de suite

reit diff tiz mat ma pligadur
moz quef merch iolis suffisant
breman en haff hoz cafaff coant
hep bout neant ma auantur

nonita.

Pan gouzafen garu an maru yen
gant nep sceurt den nen soutenaff
guell ve dif meruell hep dellit
eguet dren sceurt lit acuitaff

rex eam violando.

Rac se noz deur quet concedaff
na dif me presant consantaff
rac se da forzaf a gra sur
pan gousoch distac ma naquat
ha na rez nep digaret mat
me gray ma grat ma pligadur

nonita ad seipsam.

Me so neant ma auantur
ha dirac an tut quen hudur
hac a murmur pan yscurer
me meux dirac pep mil rebeig
oz sout outy nac ouz digueig
tra sacrileig eo ma mecher

mon plaisir. Je vois en vous une très jolie fille ; au milieu de l’été, je vous trouve belle, ne rendez pas inutile ma rencontre.
nonita.

Quand je devrais souffrir une mort rude et froide, je ne m’abandonnerai à aucun homme : j’aimerais mieux mourir sans mérite que de me livrer à un tel plaisir.

le roi en la violant.

Ainsi vous ne voulez pas me céder, ni consentir à ce que je vous demande ; alors je vous y forcerai assurément, puisque vous connaissez très bien mon désir, et que vous n’avez aucun prétexte pour me refuser ; je ferai ma volonté et mon plaisir.

nonita à elle-même.
Mon aventure est des plus étranges ; je suis si infâme aux yeux du monde, que l’on murmurera quand je paraîtrai. Tout le monde m’accablera de reproches. Quand j’y réfléchis, je ne puis me le déguiser, ce que j’ai fait est un sacrilége.
rex pœnitens.

Hastomp breman ha deomp dan Ker
monet da coffes eo ma esper
me meux torret scler he guerchdet
ha hy merch glan ha leanes
refus a grae hi alies
ameux dicourtes oppresset
En placc man me guel diouganet
dou men en he luz de cuzet
santel meurbet en he creten
da pinigen memem teno
da guir roe sent a mem rento
a amanto a gouelo ten

nonita.

Ach autrou doe so guir roe bet
me so oppret an pret man
digracc voar an placc discascun
ha me hoaz voar yun ma hunan
Ne gorreif ma drem a breman
gant mez ha souzan voar an bet
guerch voan ha glan ha leanes
me cret bout certes brasesset
E ne beut spacc dre digracdet
ez of forzet violet ten
gant vn tirant hep consantj
ne gallen muy ma mem difen

le roi se repentant.

Hâtons-nous maintenant et allons à la ville ; me confesser est tout mon espoir ; j’ai rompu la virginité d’une fille pure et religieuse, quoiqu’elle m’ait souvent refusé ; et je l’ai forcée d’une manière discourtoise. En ce lieu-ci, comme c’était prédit, je vois deux pierres sous lesquelles elle pourra se cacher dans son trouble, elle qui était si sainte dans sa foi. Pour moi, je me retirerai pour faire pénitence. Je me donnerai au vrai roi des saints : je m’amenderai et je pleurerai amèrement.

nonita.
Ah ! Seigneur, qui êtes le vrai roi du monde, vous voyez en moi, en ce moment, une victime sans force, seule en ce lieu, où je me trouve encore à jeun. Je n’oserai plus désormais lever la tête devant le monde, par la honte et la confusion que j’éprouverais, moi qui étais une vierge humble, pure et religieuse. Je crois, en vérité, que je suis enceinte. En peu de temps, par disgrâce, j’ai été forcée, et, contre ma volonté, violée par un tyran : je ne pouvais plus me

Me ia sider dan ofïeren
hac ahannen a mem teno
da ober espres oreson
doe guir roe tron ram pardouo
Monet ma hunan dre an bro
certen nep tro nem guelo den
beuaf auster e pridiri
na ioa ne grif muy bizuiquen
Guerches mari mez suppli plen
pan duy an termen da guenel
pidif da mab courtes Jesu
maz guillif condu ma buguel
Ha maz vezo cougant santel
ha diouguel ha reuelant
maz vezo courtes dre reson
ha guirion e bro bretonet
Ach autrou doe roe pep noeant
conseru prudant ma auantur
ha maz guillif plen laouenhat
mir e guir stat ma crœadur
Me guel kernch, tnou burzudou pur
rac dreist natur ezeo furmet
te a goar doe nen autreis
na nep quis concedis quet

unus ex comitatu regis mirando.

Setu non parail maruaillou
so duet en placc man oz an tnou
carguet hep gou a losou mat

défendre. Je vais de suite à la messe, et me retirer d’ici pour faire mon oraison ; que Dieu, vrai roi des trônes, me pardonne. J’irai seule par le pays ; certes, en aucun temps personne ne me verra : je vivrai dans l’austérité et le souci ; à l’avenir, je ne me livrerai plus à la joie. O Vierge Marie, je te supplie instamment, quand le terme viendra pour enfanter, de prier ton aimable fils Jésus que je puisse mener à bien mon enfant ; qu’il soit plein de sainteté, et ferme et respectable ; qu’il soit courtois par sa raison, et juste dans le pays des Bretons. Ah ! Seigneur, Dieu et roi de toutes les créatures, reconnais mon innocence dans ce qui m’est advenu ; et pour que je puisse encore me réjouir, garde en bon état mon enfant. Je vois en haut et en bas de purs miracles, car il a été formé contre nature. Tu le sais, ô Dieu, que je ne cédai point, et que je ne consentis en aucune façon.
un de la suite du roi.
Voici des miracles sans pareils, qui sont arrivés en ce lieu-ci, en cette vallée, chargée,

rac mazoa homan leanes
santes guir merch ha guir guerches
rac dre exces ez opressat

secundus.

Aman so sanctel da guelet
hac vn lech so leun a jechet
ha a pep quenet credet sur
breman an tra man so haznat
an mab bihan a diouganat
furmet a enep stat natur

tertius.

Heman so dan tut burzut pur
setu daou men bras moz assur
aparisset sur dre furnez
pan voe hep youl violet
hac an leanes braseset
aman sauet du cuzet mez.

alter.

Uoar an douar da reif goarez
ha maz gra certen leuenez
an guizuidiguez an frouez man
so a deffri prenunciet
Vng mab bihan e bout ganet
santel meurbet voar an bet man

sans mentir de bonnes plantes ; car celle-ci était religieuse, sainte, vraie fille et vraie vierge, et c’est par violence qu’elle a été forcée.
un second.

Ce qui fait voir sa sainteté, c’est qu’elle est pleine de santé, et qu’elle est fort belle, vous pouvez le croire. Actuellement ceci est évident, le petit enfant a été prédit ; il a été formé contre l’état de nature.

un troisième.

Ceci est aux yeux des hommes un pur miracle : voilà deux grandes pierres, je vous l’assure, qui ont apparu par sagesse, quand la religieuse a été violée contre sa volonté, et qu’elle est devenue enceinte. Elles se sont élevées ici pour cacher sa honte.

un autre.
Ce fruit a été prédit pour donner protection à la terre, et aussi pour y apporter la joie. Il a été dit qu’il naîtrait ici un petit enfant qui serait très saint en ce monde.
ambrosius merlinus.

Me eo Merlin ameux vaticinet
Un mal bihan a duy da bout ganet
santel meurbet e bro Breton
den leun a gracc dre spacc e prelacj
bara ha dour eguit e saourj
ne vezo muy e hol refection
Euel maz duy da predication
eno e mam dinam gant estlam don
ne gallo son randon an sarmoner
Palamour rez dan buhez anezaff
a vezo hael pep quentel santelhaff
maz comso scaf ne guallaf rentaf guer
Goude certes courtes ez espreser
buhez ha stat an mab mat hep atfer
pan duy sider e bro bretonery
da pep christen bizviquen ha tensor
ha cals a joa de ja dre e fauor
ha cals enor de cosquor armory

nonita.

Ach autrou doe ma guir roe tat
te goar en mat hep pligadur
Ez off en despes oppresset
guenef conceuet men cret sur
Mar bez da grat da pligadur
mir an croeadur dre furnez

ambroise merlin.

C’est moi, Merlin, qui ai prédit qu’il naîtra un petit enfant, qui sera très saint dans le pays des Bretons, homme plein de grâce, qui, plus tard, sera prélat. Du pain et de l’eau, c’est tout ce qu’il prendra pour se nourrir et pour se régaler. Lorsque sa mère pure ira à la prédication, le prédicateur stupéfait ne pourra dire un mot, à cause de la vie réglée de l’enfant, qui sera sainte par dessus tout. En vain voudra-t-il parler, il ne sortira pas un mot de sa bouche. Quoique la courtoise ait été opprimée, la vie et l’état de son bon fils n’en sont pas moins purs. Lorsqu’il viendra un jour dans le pays de Bretagne, il sera un trésor pour tous les chrétiens ; par sa faveur il surviendra beaucoup de joie, et beaucoup d’honneur à la nation armoricaine.

nonita.
Ah ! Seigneur Dieu, mon vrai roi et père, tu sais fort bien que c’est malgré moi que j’ai été opprimée. Je crois bien que j’ai conçu. Si c’est ton agrément et ta volonté, garde sagement ma créature. J’éprouve un vrai martyre, je ne fais

me so e martir ha hiruout
oz reif da gouzout caffout mez
Ach roe tron te goar guirionez
mar e meux carez dellezet
dit me a gra spes oreson
maz viziff guirion pardonet

Legenda.

Bez goaz gant goas ne doan boaset
da ober nem boe quet en bet man
na nem bezo muy bizuiquen
breman certen men souten glan
Me a requet an speret glan
hac a breman ez diouganaf
miret ma corf oz pep torfet
hennez bepret a appetaff
Bezaff auster a prederaff
hac abstinaf a menaf don
bara ha dour eo ma sourcy
hep caffout muy refection

sanctus gildas.

Me eo Gildas gant guir reson
aia peur hegar da sarmon
dre predication onest
An auielou hep saouzan
dan hol comun guitibunan
mar gallaf glan heruez an test.
Dan ylis glan mazedi an fest
han pardon reson onest
duet da arhuest gant maieste

que soupirer ; et je suis honteuse de le montrer. Ah ! roi des trônes, tu sais la vérité, et si j’ai mérité un reproche. Je t’adresse humblement ma prière, pour que je sois pardonnée véritablement.
Ceci doit être lu.

Je n’avais pas la coutume d’approcher des hommes ; je n’avais avec eux aucune affaire en ce monde, et je n’en aurai plus désormais, je l’affirme sans crainte. Je prie l’Esprit-Saint, j’espère qu’il me l’accordera, de garder mon corps de toute faute ; tel est tout mon espoir. J’aurai soin de vivre dans l’austérité. Je veux me vouer à une abstinence complète : du pain et de l’eau sera ma nourriture ; je n’en chercherai jamais d’autre.

saint gildas.
C’est moi, Gildas, qui vais prêcher avec affection un sermon exactement tiré de l’Évangile ; je l’expliquerai à tout le monde et à chacun en particulier, si je le puis, d’après le Testament. Dans l’église blanche, où est la fête et le pardon, suivant l’usage, venez assister avec recueillement aux vêpres et à la messe, vous instruire

dan gousper ha dan offeren
dre an auiel da quelen
hac euit len Gourchemen Doe.

rex trisinius incipit.

Me eo roe Trisin deomp mintin mat
cza ma bugale dereat
deo da clefuet stat a badez
haz maz groahimp spes oreson
ha da pidiff doe guir roe tron
hac dan sarmon gant guirionez.

primus filius regis.

Deompny ardant gant carantez
pan aedy pardon autrounez
cals a bontez a gouezhimp

secundus.

Eno hep gou ez sezlouhimp
hon siluidiguez maz vizimp
ha maz veohimp drez vizimp beo

nonita eundo ad ecclesiam.

Monet dre pris dan ylisou
da doen ma caffou ham souzan
ha mont em rout hep cafout clem
a grif rac ma drem a breman.
Chom voar ma quis en ylis man

par l’Évangile, et lire les Commandements de Dieu.
le roi trisinius commence.

Je suis le roi Trisinius ; allons de bonne heure, ça, mes bons enfants, allons écouter les lois du baptême, et faisons attentivement notre oraison ; prions Dieu, le vrai roi des trônes, et allons entendre le sermon plein de vérité.

le premier fils du roi.

Allons, messieurs, avec ardeur et charité, puisque c’est le pardon ; et nous mériterons beaucoup.

le second.

Là, nous écouterons avec attention ce qu’on y dira pour notre salut, et pour être contents tant que nous vivrons.

nonita allant à l’église.
J’irai souvent aux églises, pour calmer mes peines et mes soucis ; je ferai en sorte d’aller droit mon chemin, et qu’on n’ait pas à se plaindre de moi. Je resterai au bas de l’église, et me

a dreff an or man ehanaff
da cleuet huec an prezeguen
aman eual hen a menaff
Oz an kernch monet ne credaff
aman contemplaf a graf sur
cleuet hep gaou an compsou mat
heruez ma stat ha ma natur
Pan off haznat am croeadur
voar ma aeur na murmuret
a dref ez chimy ne grif quen
da doen ma anquen ham penet
A dreff piler nem gueler quet
ahanen cleuet me preder
hac ez grif ma deuotion
ha cleuet don an sarmoner.

sanctus gildas.

Guir christenien pan ouch plen ordrenet
Supliomp doe so guir roe dan ploueou
reif e graczou deomp hep goudan tnou man
diff da prezec hoantec en e requet
ha deoch presant hep fent maz ententet
dre gracc meurbet parfet an speret glan
Gorreomp hon drem saludomp lem breman
nobl ha comun sascun ha pep vnan
a calon glan breman hep ehanaff
an mam hegar guerches clouar marj
douguomp gant fez goasoniez dezy
oz presanti an aue gratia

placerai en arrière pour entendre la prédication ; je resterai là, car je n’ose me placer plus haut. D’ici je pourrai tout voir ; ouïr, selon mon état et ma nature, sans en perdre un mot, les bons discours qui s’y tiendront. Puisqu’il est clair que je porte ma créature, je ne murmurerai pas sur mon sort. Je resterai derrière, c’est tout ce que je ferai pour calmer mon chagrin et ma peine. Derrière le pilier, on ne m’apercevra pas ; d’ici je pourrai voir et entendre ; je ferai ma dévotion, et j’écouterai le prédicateur.
saint gildas.
Vrais chrétiens, qui êtes ici réunis, supplions Dieu, qui est le vrai roi des villages, qu’il nous donne ses grâces sans faute dans cette vallée, à moi pour prêcher selon mon désir et sa volonté, et à vous pour écouter avec attention, par la grâce très parfaite de l’Esprit-Saint. Levons notre face, et saluons affectueusement nobles et gens du commun, tous ensemble et chacun en particulier ; saluons actuellement de bon coeur et sans nous arrêter, la bonne mère, l’aimable Vierge
novita.

En placc man panouf ehanet
soingaf em caoudet me preder
hac a gray ma deuotion
ha sezlou don an sarmoner.

rector interrogat Gildam cur non potest prædicare.

Mest reuerand ha prudantaff
soezet ha cruel hoz guelaf
a te so claf nac auaffet
perac guirion na sarmonez
nac ouzomp guer ne leuerez
petra neuez so hoaruezet.

gildas.

Un re suspent present ma ententet
en ylis man so breman ehanet
ne guallaf quet voar nep splet procedaff
ne gon certen piu eo den nan heny
ne compsen guer mister nep matery
un re deffri so oz ma faziaff
Edoll en maes deoch spes en expressaf
ma list aman breman da ehanaf
maz ententaf ma bezaff anaf us

Marie ; portons-lui avec foi nos hommages, en lui présentant un Ave gratiâ.
novita.

En ce lieu-ci, puisque je suis arrêtée, je songerai intérieurement à mes soucis. Je ferai ma dévotion, et je serai attentive aux paroles du prédicateur.

le recteur demande a Gildas pourquoi il ne peut pas précher.

Maitre révérend et des plus prudents, je vous vois étonné et sérieux ; êtes-vous malade ou étourdi ? Pourquoi ne prêchez-vous pas franchement, et ne nous dites-vous rien ? Qu’est-il arrivé de nouveau ?

gildas.
Une personne suspecte m’écoute en ce moment ; elle s’est arrêtée dans cette église ; je ne puis commencer en aucune façon. Je ne sais certainement pas quelle est la personne qui m’empêche de parler sur quelque sujet que ce soit. Il y a quelqu’un qui me fait tromper et qui empéche mes expressions de sortir de ma bouche.

neuse hep mar me a essay sarmon
chemet en maes bed guelet an reson
ne gon guiryon pez son am gra confus

rex et alii.

Deomp guitibunan voar a maes
na na vezet gour dicourtes
hac en e proces e lesel
eguit maz duy dezaf squient
cler ha beleyen deomp en hent
maz gallo entent e quentel.

nonita manet in quodam angulo.

Aman em ezomp me chomo
a guele poz a vezo graet
mar bez reson em guirionez
me yelo euez mar bez ret.

gildas.

Ne gon en dez pebez so hoaruezet
guer ne comsen na ne sarmonen quet
vn re so ret so cuzet em metou
men coniur glan breman hep ehanaf
pan aedy sul eguit disimulaf
me meux anaf dioutaff ha caffou

Laissez-moi maintenant ici pour que je me repose, et que je m’assure si je suis étourdi. Plus tard j’essaierai de prêcher. Restez dehors jusqu’à ce que je voie ce qui m’arréte ; car, en vérité, je ne sais ce qui me rend confus.
le roi et les autres.

Allons tous ensemble dehors ; que personne ne soit assez discourtois pour le laisser dans l’embarras. Clercs et prêtres, allons-nous-en, afin que l’esprit lui revienne et qu’il puisse comprendre sa leçon.

nonita qui est restée dans un coin.

Je resterai ici, et je verrai ce qui sera fait, et si j’ai la raison pour moi, ou s’il est nécessaire que je m’en aille aussi.

gildas.
Je ne sais ce qui est arrivé en ce jour ; je ne puis rien dire, je ne puis prêcher. Il faut que quelqu’un se soit caché parmi nous. Je le conjure à présent et sans tarder, puisqu’il ne peut plus le dissimuler, et qu’il est clair que ma peine vient de lui.
nonita.

Me aedoae ma hunan manet
eguit da cleuet dre detin
en hanu mab doe so guir roe bro
ha cleuet vn tro da doctrin

gildas.

Guir leanes ha courtes expresset
me gourchemen a hauen em tennet
quen na duy pret da donet dauedou
ha neuse net parfet me procedo
dre guir reson guirion me sarmono
moz quemenno eno me bezo coff.

nonita.

Monet en maes ha hoz lesel
dif abe guell hep ma dellit
reson eo present hoz sintiff
oz absantif ez vizif cuit.

sanctus gildas.

Guir autronez gant guir fez asezet
duet en ylis pep quis aboisset
eguit cleuet an splet an speret glan
articlou fez euez han buhez net
an comsou mat da pep stat relatet
an pez so ret deomp parfet en bet man

nonita.

J’étais restée seule pour t’écouter en cachette, au nom du Fils de Dieu, qui est le vrai roi du pays, et entendre une fois ta doctrine.

gildas.

Vraie religieuse et tout-à-fait courtoise, je vous ordonne de vous retirer d’ici, jusqu’à ce que le temps soit venu de venir me trouver ; et alors je pourrai procéder en toute perfection. Avec vraie raison, je prêcherai comme il faut, je vous préviendrai, je m’en souviendrai.

nonita.

II vaut mieux pour moi sortir contre mon désir, et vous laisser ; la raison me dit qu’il faut vous obéir ; je dois m’absenter, je m’en vais.

saint gildas.
Messieurs, vous qui avez une vraie foi, venez vous asseoir dans l’église : obéissez-moi en toute chose. Venez entendre les avis de l’Esprit-Saint, et ce que la foi enseigne pour mener une vie parfaite. Je vous parlerai, suivant l’état de chacun,

Christenyen net redimet en bet man
mar fell deoch net bout parfet saluet glan
obseru aman an pez so diouganet
ha mir a cren an hol gourchemenou
ha bez vaillant en hol mandamantou
han vertuziou kernch ha tnou a coudet.
Car doe roe tron a calon resonet
corf hac eneff caref ha douigef net
enor bepret so dleet da quentaf
ha bez hegar hep mar dre e caret
dre e douigaff hep bezaf anaffet
na offens quet voar nep splet pa ez pedaff


Hortatio de Charitate.

Nep en deuez gant fez carantez net
ne gra nep lech a nep bech a pechet
pacient, net, parfet coudet fin
doucc ha clouar, hep mar ha hegarat
eguit nep strouil a orgouill ne souillat
ne deo ingrat nep stat dre nep tatin
Carantez so en bro euez so din
oz da nessaf parfetaff bezaff fin
scler anterin ha diuin continant
ha drouc ha mat e pep stat relatet
dre carantez doe, oll da pep re so ret
mar fell dit net bout saluet conpetant

de ce qu’il est nécessaire que nous fassions en ce monde. Chrétiens, qui avez été rachetés, si vous voulez ètre parfaits et vous sauver, observez ce qui a été prescrit, et gardez tous les commandements. Soyez fidèles à tous les préceptes, pratiquez les vertus, grandes et petites. Aimez d’un cœur droit, Dieu, roi des trônes ; aimez-le et honorez-le, corps et âme. Honneur lui est toujours dû ; mais il faut être affectueux dans son amour. Il faut le craindre, quoiqu’on ne le connaisse pas ; ne le jamais offenser et le prier sans cesse.


Exhortation sur la Charité.
Celui qui, avec la foi, a une bonne charité, ne commet de péché en aucun lieu, ni en aucun temps. Il est patient, chaste, parfait en tout point, doux, affectueux et débonnaire. Il ne se salit, ni ne se souille par l’orgueil ; il n’est ingrat en aucune occasion. Comme en moi, la charité règne dans le pays pour unir, perfectionner, et nous donner la pureté qui, par l’opération divine, existera dans notre cœur. Le bien et le mal se trouve par la faveur de Dieu, réparti dans

En paradoes he quifi spes presant
mar bez aman gret glan da comanant
parfet, prudant, vaillant, ha plesantaff
eno hep gou e mil joaeou louen
dirac pep den quen couen oz renaf.


De Fide.

Ret eo feiz mat pep stat hegarataff
a calon duet hac a effet netaf
hep variaf douetaf vacillaf quet
delcher abil voar an stil an ylis.
so fontet mat pep stat dre guir atis
he vaillantis so e pep quis priset
Ret eo fizianc don auber auancet
en speret glan so breman elanhet
ha maru roe bet so duet don remedj
lequeomp hon spi hac hon opinion
gant carantez euez ha gant fez don
en roe guirion so duet don pardony.

chaque situation. Tout cela est nécessaire dans l’une et l’autre condition, pour être sauvé comme il convient. Dans le Paradis, vous trouverez votre récompense, si vous avez rempli ici votre tâche avec pureté, avec perfection, prudence, fermeté et bonne volonté. Là, sans mentir, vous jouirez de mille joies, et vous régnerez en paix en présence de chacun.


Sur la Foi.

Pour que la Foi soit véritable, il faut qu’elle existe en quelque position que l’on soit ; qu’elle purifie le coeur souillé et les actions ; qu’elle ne varie, ne chancelle, ni ne doute ; qu’elle tienne fermement aux décisions de l’Église, sur lesquelles est fondé chaque état par vrai conseil. On reconnaiît sa puissance dans chaque circonstance. Il faut, pour nous faire avancer, avoir confiance en l’Esprit-Saint, qui est actuellement l’ange du monde, et en la mort du roi du monde, qui est venu nous porter remède. Mettons donc notre espérance et notre attente avec une parfaite charité et une foi profonde, dans le roi juste qui a daigné nous pardonner.

De Peccato.

Euez pechet so cometet e ty
dre cuffr calon ha guenou brasony
mir nen heuliy mir nen cometti quet
gobr an pechet bepret pan cometer
eo bout dafnet ha laquet en heder
ma nen lauer ma nen piniger quet


De Pœnitentia.

E pinigen tri tra cren entet
confession satiffacion net
ha poan en bet soret an parfetaff
da pinigen euel hen em tennet
a peuch a doe so diuoe guir roe bet
maz bez chenchet an penet ha gret scaff


De Sacramentis.

Rac se entent dre squient da quentaf
pep sacramant prudant ho goarantaf
ho enoraf hep bezaf auaffet
ha heul an stil so abil en ylis
miri pep stat ha mat dre guir atis
. . . . . .


Sur le Péché.

Faites attention au péché auquel on se livre par un cœur consentant, et par une bouche arrogante. Gardez-vous de le suivre, gardez-vous de le commettre. La récompense du péché est toujours d’être damné et mis en peine, si l’on ne s’en lave, si l’on n’en fait pénitence.


Sur la Pénitence.

Pour la pénitence, trois choses sont indispensables : confession, satisfaction parfaite et peine dans le monde ; cela est nécessaire, même au plus juste. Donnez-vous ainsi à la pénitence : l’on ne saurait avoir la paix de Dieu, vrai roi du monde, si l’on n’est changé, et rendu léger par la pénitence.


Sur les Sacrements.

C’est pourquoi mettez-vous dans l’esprit, d’abord qu’il faut avec prudence recevoir chaque sacrement, les honorer en s’en approchant sans étourderie, et suivre le rit, la doctrine qui est enseignée par l’église. Gardez-les en tout bon état par vrai conseil. . . . . .

De Superbiâ et ejus speciebus.

Ha mir pep lech oz an bech pechet
mir dre orgoill en stroill ne ves souillet
arrogant quet na goappa quet laedus
na na barn den bizuiquen nep heni
na vez flatrer na hent ingrateri
mir na tempti, na vizi curius


De Avaritiâ.

Mir na vizi re auaricius
na ysur quet na vez quet couetus
na decefus trompus dre fals musur
bez liberal, real dre lealtet
hac an peoryen bezent plen soutenet
dirac roe bet so pliget meurbet sur


De Luxuriâ.

Na vez laedus na flerius dre luxur
dreiaf pep stat ez an glat han natur
so tra hudur en ordur mailluret
rac se bepret conduet chastete
corff ha speret bepret dre caret doe
vn vertuze da pep re so dleet


Sur l’Orgueil et ses genres.

Gardez-vous en tout lieu du poids du péché ; gardez-vous de vous laisser souiller par l’orgueil. Ne soyez ni arrogant, ni moqueur. Ne jugez jamais personne ; ne flattez point ; ne fréquentez point les ingrats ; gardez-vous de tenter, ni d’être curieux.


Sur l’Avarice.

Ne soyez point trop avare ; ne vous livrez point à l’usure. Ne soyez ni imposteur, ni séducteur, ni trompeur par de fausses mesures. Soyez libéral en toute loyauté ; soutenez les pauvres de tous vos moyens : cela est très agréable aux yeux du roi du monde.


Sur la Luxure.

Que l’impudicité ne vous rende ni laid, ni puant. C’est une chose infâme que de détruire, en quelque chose, le bien qui est la nature ; c’est pourquoi il faut que vous conserviez toujours et en toute circonstance, par l’amour de Dieu, la chasteté du corps et de l’esprit.

De Irâ.

Buaneguez ez buhez naz bezet
na gra quet clem na lem na blasphem quet
na millic quet dre nep drouc apetit
na gra da den nep termen drouc en bet
gra a pep vicc justicc diualicc net
pacientet en bet so dleet dit


De Gulâ.

Diouz gloutoni deffri maz vizi cuit
gra abstinanc a grai cals auanc dit
ha cals merit ha profit euidant
ha sell an fin diouz guin maz abstinj
mir dre reson na heul don sotony
e mezuinti na vizi re friant.


De Invidiâ.

An auius confus a abus cant
e toez an tut dre vn brut imprudant
so inconstant dicoant dicarantez
rac se hep mar bez car hac aparchant
dre caret doue diuoe so guir roe sent
rac se presant car vn meut daz hentez


Sur la Colère.

Tant que vous vivrez, ne soyez point colère. Ne faites ni mauvais rapports, ni offenses ; ne blasphémez point ; ne maudissez point par suite d’un mauvais désir ; ne nuisez à personne en aucun temps ; faites justice de tout vice sans malice : vous devez être toujours patient.


Sur la Gourmandise.

Ne vous abandonnez point à la gourmandise ; faites abstinence, cela vous vaudra beaucoup, vous donnera beaucoup de mérite et de profit. La perfection serait de vous abstenir de vin. Que la raison vous empêche de suivre les habitudes vicieuses qui règnent dans ce pays ; ne vous adonnez pas à l’ivrognerie.


Sur l’Envie.

L’envieux trouble et bouleverse fréquemment la société par ses machinations imprudentes ; il est inconstant, désagréable, sans charité ; c’est pourquoi aimez sans hésiter, pour l’amour de Dieu, qui est le vrai roi des Saints, votre prochain, comme un parent.

De Accidiâ.

E dieguy so muy mar studiez
euel vn foll an oll ez em collez
preder maz ez na maz dleez bezaf
berr ha estlam leun a blam eo namser
bez diligant a comanant antier
ne deux mecher ne galler differaf


De Articulis Fidei.

Articlou feiz dit rez pan arbezaf
ho miret cren dit a gourchemenaff
en heu soingaf hep bezaf anaffet
soing a pep tu ez eo tru da buhez
fet an bet man so poan ha bihanez
. . . . . . . . eout bezet
Greomp vng anclin anterin dan trindet
pan duy finuez hon bout rez annezet
gantaf apret parfet a coudet plen
maz vizimp net pardonet hep quet nam
pan dui an fin anterin ha dinam
ad quam gloriam nos perducat amen


rector, rex, atque alii.

Mestr reuerand pebez andret


Sur la Paresse.

Si vous vous laissez aller à la paresse, comme un fou vous vous perdrez entièremeut. Songez à ce que vous êtes et à ce que vous devez être. Le temps est court, il est surprenant et fournit matière abondante à l’admiration et au blâme. Soyez donc diligent dans toutes vos actions, et ne différez pas à travailler et à vous occuper.


Sur les Articles de Foi.

Vous devez admettre les articles de foi, et observer fidèlement ce qu’ils ordonnent. Pratiquez-les sans les comprendre. Les soins qui nous requièrent de toute part sont le tourment de la vie. Les fêtes de ce monde ne sont que peine et petitesse. . . . . . . Inclinons-nous humblement devant la Trinité, lorsque viendra la fin de notre existence. Adressons-nous à elle à propos et à temps, pour que nous soyons purifiés, sans aucune exception, lorsque viendra la perfection sans tache. Qu’elle nous conduise à cette gloire. Ainsi soit-il.


le recteur, le roi, et les autres.
Maitre révérend, qu’est-il intervenu ?

petra neuez so hoaruezet
na galsesde quet eguetou
sarmon nac prezec dre requet
maz oas dre burzut symudet
a den suspect so en metou.
Lauar deomp an fault guir aotrou
mestr Gildas lauar da gloasou
an misterou niz sezlouo
voar pen hep mar vn guez arall
an tra se rac na hoarfe goall
mar deux den fall nin tamallo.

gildas.

Nobl ha tut gentil hac ylis
christenyen mat a guir atis
comp deoch fournis a abaissaff
penaux voa nam pech am mecher
na compsen naf lauaren guer
me men an mecher dishannaf.
Un leanes pan expresaf
aioa aman oz ehanaff
brases aessaff an guellaf den
a vn mab vaillant so ganty
brassoch a pep tu a study
eguetoff hep si bizuiquen

gildas ad Fabricum.

Gret dezi a randon donet
aman euel gruech em requet

Qu’est-il arrivé de nouveau, que tu ne pouvais dabord ni prêcher, ni parler à notre requête, que tu étais muet comme par miracle ? Y a-t-il quelque personne suspecte parmi nous ? Dis-nous, Seigneur, la vraie raison ; maître Gildas, conte-nous tes chagrins. Que ces mystères nous soient révélés, afin qu’une autre fois il n’arrive pas chose aussi fâcheuse. S’il y a quelqu’un de méchant, nous le blâmerons.
gildas.

Nobles hommes d’épée et d’église, et vous tous bons chrétiens, un avis véritable me fournit le moyen de vous déclarer pour quel motif je ne pouvais remplir ma mission, ni prononcer aucune parole, et j’étais obligé de me dédire. Une religieuse, il faut le dire, était ici à se reposer ; elle était tout en larmes et enceinte du meilleur des hommes ; elle porte en elle un enfant vaillant, plus grand en tout par sa science, que je ne le serai jamais.

gildas à un Fabricien.
Faites-lui un discours qui l’amène ici comme une femme suppliante, afin que l’auditoire soit

maz vezo aeset an bedis
maz compsiff expres a presant
dirac an tut he bout prudant
incontinant he vaillantis

fabricus ad Nonitam.

Leanes courtes onestet
duet em requet na tardet muy
pep stat beden predicator
beden cador de enori.

nonita.

Pan em requet da monet dy
me yel gueneochuy continant
prezec courtes dre cals mese
oz e maieste am be hoant

nonita ad Gildam.

Autrou courtes hed hoz presant
salud vaillant ha plesantaf
hoant amoa vuel doz guelet
. . . . . . . emem erbedaff

gildas.

Duet mat ra vizii Nonita
leanes certen laouenhaf
carguet eo a ioa ma calon

content et que je parle, dans le moment même, en présence de gens qui sont prudents ; que je parle incontinent devant des gens pleins de valeur.
le fabricien à Nonita.

Religieuse courtoise et honnête, venez à ma prière ; ne tardez pas. Chacun se tient devant le prédicateur, chacun se tient devant la chaire à se consulter.

nonita.

Puisque je suis requise de m’y rendre, j’irai aussitôt avec vous. Je désire un entretien qui me console, à cause de la honte dont j’ai été couverte.

nonita à Gildas.

Seigneur courtois, me voilà en votre présence, je vous offre mon salut respectueux. . . . .

gildas.
Sois la bien-venue, Nonita ; vraie religieuse, réjouis-toi. Mon coeur est plein de joie ; ton fils pur, lorsqu’il sera né, sera heureux, et choisi

da mab glan pan vezo ganet
so aeurus ha diuset
da renaff net e bro bretonet.

gildas ad Plebem.

Huy oz oa goulennet apret don
an ampeig hep mar am sarmon
setu reson han guirionez
an merch man ha hy leanes
a royf mab bihan voar an maes
an test expres en em descuez
Setu an reson autrounez
muy eguidoff a pep rouez
vezo an buhez anezaff
rac se quelen ne gallen quet
en e presant dre nep andret
rac se ezoa ret arretaff.
A gracc a gallout hap douetaf
hac an guir ordren da renaff
so roet dezaf an quentaf pret
gant doe roet dre contredy
ha priuilaig ha monarchy
e bretoneri raliet
Dan mab maz voe diouganet
dre gracc diuin predistinet
quent comancc an bet credet sur
e nation an bretonet
dat caffout stat an preladet
prellat meurber da compret cur

pour conduire et gouverner les habitants de la Bretagne.
gildas au Peuple.
Vous me demandiez, il n’y a pas long-temps, ce qui m’empêchait de prêcher ; voici la raison et la vérité. Cette fille, qui est religieuse, enfantera un petit enfant pour cette contrée : il en parait un témoignage éclatant. Voilà la raison, messieurs : il aura en lui, de toute manière, plus de vie qu’en moi ; c’est pourquoi je ne pouvais d’aucune manière prêcher en sa présence ; il m’était donc nécessaire de m’arrêter. La grâce, le pouvoir, sans doute, et l’ordre véritable pour gouverner lui ont été donnés dès le principe. Dieu lui a octroyé, dans ces contrées, le privilége du gouvernement pour toute la Bretagne. Cet enfant-là, comme il a été prédit, a été prédestiné par la grâce divine, avant le commencement du monde (croyez-le fermement), pour diriger la nation bretonne, et pour relever l’état des prélats ; et il sera lui-même un prélat plein de zèle.
Legenda.

Adieu tut mat a pep statur
me hoz laes breman didan cur
an guir croeadur so furmet
aman nep ten ne chomen muy
Joa ha peuch a pedaf deoch huy
an heny so sanctifiet
Hoz recomandaf a graff net
dan mab man pan vezo ganet
ha da roe bet hep arretaff
so instituet credet glan
doz quelen en enesen man
me ya breman hep ehanaff

nonita.

Jesus hegar hoz trugarez
Lamet eo an mez an guez man
dre gracc roen sent e hep quentel
pan eo santel ma buguel glan
Mir oz sourcy ma mab bihan
pan dui aman da bout ganet
maz viziff cuit me Nonita
guerches Maria me az pet

rector mirando.

Setu breman a gouez an bet
gant an den santel reuelet
ha proficiet credet sur

Ceci doit se lire.

Adieu, bonnes gens de tout état, je vous laisse actuellement sous le soin de cet enfant qui est conçu. Je ne resterai plus ici. Je demande pour vous joie et paix de celui qui est sanctifié. Je vous recommande entièrement à cet enfant quand il sera né, et au roi du monde. Cet enfant est envoyé (vous pouvez m’en croire) pour vous instruire dans cette île. Je m’en vais actuellement sans me reposer.

nonita.

Bon Jésus, je vous remercie ; cette fois-ci, par la grâce du roi des saints, la honte a disparu pour toujours, puisque mon fils est pur et saint. Garde de peines mon petit enfant, quand il naîtra ici. Que je sois bientôt délivrée, moi, Nonita ; vierge Marie, je t’en prie.

le recteur, dans l’admiration.
Voici actuellement que le monde tombe à un homme saint et annoncé et prédit (vous pouvez le croire). Nous verrons bientôt

ny guelo an fin continant
an doctor Gildas en assur
bezout vaillant e auantur

rex trisinius.

Me so maruaillet credet sur
rac Gildas so a certen den fur
dilesell an cur apuret
ha techet rac drem a breman
heb ober goab gant an mab man
hac eff aman na deu ganet
mar deu gant el reuelet
vn tra so ret hoaruezet scler
hep ober exces nac estlam
hac eff den din ha den dinam
hon lesel flam e berr amser

primus magus.

Me so hep sy magician
a guelo dirac drem a breman
pan lenniff an scrit a phiton
hac an ygromancc a chancc don
me gray pep demon estonet

secundus augur.

Me so dre augur assuret
hac incantator enoret
diuiner meurbet ezedoff

l’accomplissement de ces paroles. Le docteur Gildas l’assure, et sa prédiction sera vraie.
le roi trisinius.

Je suis émerveillé, vous pouvez le croire ; car Gildas est certainement un homme sage ; il laisse le soin de son diocèse, et il se retire de devant nous, et nous abandonne sans se moquer entre les mains d’un enfant qui n’est pas encore né, mais qui est annoncé par l’ange. C’est une chose qui arrivera clairement, une chose qui paraîtra toute naturelle ; car c’est un homme digne, un homme pur, et il nous laisse tout-à-coup.

un premier magicien.

Je suis sans doute un magicien, et je verrai devant moi à résent les diables minces et faibles, lorsque je lirai l’écrit de Python, et qu’à l’étonnement de tous les démons, j’exercerai l’hygromancie.

un second augure.
Je suis considéré comme un augure, et honoré comme un enchanteur. Je suis un grand devin,

dre presticc hac auruspicy
geomancc hac ydromancy

tertius augur.

Ne caffet quet guell eguedoff
heb vn nebeut ez gallent proff
hac a delch coff eux ho rouez
dre spatulamancc mil chancou
fallacryez sorcerezou
a gruif hep gou a parz dou dez

primus magus.

Memeux cleuet ne gous pet guez
en vn sarmon em guirionez
arriu eo dez maz gouzuezher
bezout vn mab bihan ganet
vaillant santel dre vueldet
en breiz man a pret credet scler
Me diuin dre vaticiner
Beelzebut maz persecuter
comps an mecher te haberit
. . . pan lech an placc han faecon
maz bez ganet e bro Breton
grit dre nicron deomp e gounit.

secundus magus.

Mar deu en bet de appetit

Par prestige et par aruspice, par géomancie, hydromancie et pyromancie, je vous en montrerai.
un troisième augure.

On n’en trouvera pas de meilleur que moi, et en peu je pourrai le prouver, qui tienne mémoire des charmes, des mille chances de la spatulancie, des moyens de tromper, des sorcelleries. J’en ferai sans mentir avant deux jours.

le premier magicien.

J’ai entendu dire je ne sais combien de fois (je crois que c’est dans un sermon), que le jour est proche où l’on apprendra qu’il est né en cette Bretagne un petit enfant, vaillant, saint, plein d’humilité. Il viendra dans le temps prédit, vous pouvez le croire. Moi je vois par divination qu’il persécutera Béelzébut, et qu’il perdra notre métier. Je vois par le lieu, la place et la manière qu’il naîtra dans le pays breton. Faites par nécromancie, que nous y trouvions notre profit.

le second magicien.
S’il parvient en ce monde à son désir, nous

oll ez collimp ne viximp cuit
ez disgray hon scrit euidant
laqueomp trotant e tourmantaf
mar guellomp so goaz e lazaff
rac maz soingaf et bezaf sant

diabolus.

Me so Diaoul bras goal tasmant
que diguir bede an tirant
na gra seblant a carantez
dre vn despez lauar dezaff
pouls enhaf hoant de tourmantaff
mechant dezaf mar gouzauefez
hennez pan duy dit a gray mez
a vezo vaillant dreist cant guez
a madaelez hac a fez mat
a vezo ganet hep quet mar
neuse nep tro nez vezo car
en e douar peur hegarat

tyrannus loquitur.

Orzca cza tut maty
tut a brut a study
vn sourcy am gruy bras
oz cleuet en bet man
ez duy sascun unan
causit breman a cas
En bro a vezo bras

serons tous perdus, sans qu’il en échappe un seul. Il est évident qu’il rendra nuls nos écrits ; faisons-le donc tourmenter, et, si nous le pouvons, tuons-le, ce qui pis est, car je pense que ce sera un saint.
le diable.

Je suis le grand Diable, le mauvais lutin. Va, méchant, va jusqu’au tyran. Ne te montre nullement tendre, parle-lui avec dépit ; fais naître en lui l’envie de tourmenter. Si tu souffres la méchanceté de cet enfant, quand il viendra, il te fera honte. Il sera plus vaillant que cent autres ; il sera bon et de bonne foi, il naîtra sans aucun défaut ; alors il n’y aura que des amis et de bonnes gens dans sa terre.

le tyran parle.
Çà, çà, gens de ma maison, gens de renommée et d’étude, un grand souci me tourmente, lorsque j’apprends qu’il viendra bientôt un homme (jugez à présent le cas) qui sera grand dans le pays. Devinez, ne me faites pas attendre ; si je peux lui nuire, je le ferai, je vous l’assure.

diuinit na grit mas
dezaf mar gallaf noas
razas me hoz assur
Dran doe me enoeo
pen diaoul ram dougo (foulo)
vn dro men guelo sur
Gret vn pron vn coniur
oz hoz diaoulou fur
ordur dre assurancc
vn som dre nycromance
Grit huy vn odiancc
dre geomancc lancet
ac eff reiz en breiz man
a deuhe hep ehan
da bout aman ganet

primus magus.

Autrou sur me meux coniuret
hac ameux euez gouezet
ebout ganet e bro Breton
brassoch vezo net eguedot
ganteuy esem quifi sot
languis an cnot hac an stroton

secundus magus.

Em studi hac em vision
cruel me guelas vn blason
ma opinion consonant
ez tiourent hac entent se

par Dieu, je le chagrinerai, ou que le Diable m’écrase. Je le verrai un jour assurément. Faites des invocations et des conjurations à vos sages diables ; ordonnez-leur avec assurance par nécromancie ; procurez-vous une audience par géomancie, pour savoir si ce justre naîtra sans tarder ici dans cette Bretagne.
le premier magicien.

Seigneur, assurément j’ai conjuré, et j’ai su bien certainement qu’il naîtra dans le pays breton. Il sera beaucoup plus grand que toi ; avec lui tu te trouveras sot, faible, sans force et sans puissance.

le second magicien.
Dans mon étude et dans ma vision, j’ai vu un cruel blason. Mon opinion est que cela annonce et fait entendre qu’il naitra par un

ez vise ganet gant trette
he dreist pep re ez vize sant

tyrannus.

Men boe da doe ha pep nœant
me yel voar an maes a presant
hac ameux hoant de tourmantaf
rac me a gray tru e buhez
men guedo de ja nos ha dez
dran doe euez mar gouezafF
Me a gray alarm hac armaff
hac clezef noaz ho lazaff
a mennaff hep differaf quet
me gray euezhat en stat man
me ham comun guitibunan
oz an mab man na be ganet

nonita.

Autrou doe crouer an steret
arriu eo an pret a credaf
ma mir ouz langour ha sourcy
guerches mari pan supliaff
tremen tu arall mar gallaff
breman a menaff quentaff pret
rac an guentlou a dezroù diff
diouz ma minif ne guillif quet.
Aman voar an dez mar bez ret
ez vezo ganet a credaff
meurbet of claff hac ezaf fall

ordre, et qu’il sera saint par-dessus tous.
le tyran.

Je jure par Dieu et par tout ce qu’il y a de plus sacré, je vais de suite me mettre en campagne. J’ai grande envie de le tourmenter, et de rendre sa vie misérable. Je vais déjà l’attendre nuit et jour ; par Dieu, je saurai quand il viendra. Je répandrai l’alarme et j’armerai, et je le tuerai avec l’épée nue. Je veillerai sans cesse : je ferai la garde dans cet état, et moi et tous et chacun, pour que cet enfant ne puisse venir au monde.

nonita.
Seigneur Dieu, créateur des astres, le moment est arrivé, je crois. Préserve-moi de langueur et de peine, Vierge Marie, je t’en supplie. Je voudrais bien, si je le pouvais, me transporter de suite de l’autre côté de l’eau, car je commence à ressentir les douleurs ; mais je crains bien que je ne puisse pas y réussir. Ici, pendant qu’il fait jour, s’il est nécessaire, mon enfant sera né, à ce que je crois. Je suis fort malade, je suis

monet tu arall ne gallaff

tyrannus.

En placen man me ehano
ha quen dignir me he miro
nep en tremeno me so sur
mar tremen aman leanes
me a gray noas mar bez brases
me gray dezy spes opressur.

nonita.

Vahunt tut cruel a guelaf
na monet scaff ne gallaf quet
ret eo guenell pe menell sur
ma guir croeadur assuret
Rac an rehont ezoff spontet
aman ezeo ret arretaff
comancc a groa stanq ma anquen
an guentl yen so oz ma benaff
Me pet guir roe sent da quentaff
dam frealsaf ne gallaf muy
ma groa preseruet hep quet mar
guerchez clouar hegar mari

tyrannus.

Gant curunou so dezrouet
foultr hac auel ha crueldet
ezeo ret techet an pret man
gant an quaserch so ha glan yen

très mal ; je ne puis passer de l’autre côté.
le tyran.

En ce lieu, je vais me reposer, et certes je le garderai bien, pour qu’il ne passe ici personne. S’il passe ici une religieuse et qu’elle soit enceinte, je lui ferai noise, et je la vexerai fortement.

nonita.

Je vois là-bas des gens cruels, je ne peux pas aller vite. Il faut accoucher et rester ici pour défendre mon enfant. Ceux-là m’épouvantent, il faut m’arrêter ici. Mes douleurs commencent à devenir fréquentes, les tranchées froides me piquent. Je prie d’abord le roi des Saints de me soulager, je n’en peux plus. Aide-moi aussi, Vierge Marie, douce et aimable.

nonita.
Il commence à tonner ; j’entends la foudre et un vent furieux, il est temps de nous enfuir. Avec la grêle et la pluie froide, avec les

coruent haluffet credet plen
ne galle den chom en gueun man

secundus tyrannus.

Gant an estlam hon eux aman
me leso vng spacc an placc man
guitibunan deomp ahanen
gant an tourmant oz dismantaff
gant aoun hac anquen ez crenaff
ne gon mazaf no gouzaffen

tertius tyrannus.

Duet eo fin an bet a crethen
bezcoaz outraig enep taichen
ne voue voar ma pen me en touhe
gant curun ha foultr discoultret
a vs ma pen so disquennet
hac an guez nezet mo crethe

nonita pariendo.

Jesus mab mari beniguet
ma sicour mez pet an pret man
quer mam Jesu me az supply
ez sicouri ma mab bihan.
Digacc dif da gracc en placc man
ma mab bihan ma en ganer
quen sempl ezaff ne galaf quen
gant guentl hac anquen em bener

tourbillons et les éclairs, personne assurément ne pourrait rester dans ce marais.
un second tyran.

Par l’épouvante que nous avons ici, je vais quitter un instant cette place. Allons-nous-en tous d’ici, nous serions perdus par cette tourmente. Je tremble de peur et d’inquiétude ; je ne sais où je vais, ni ce qui va arriver.

un troisième tyran.

La fin du monde est venue, je crois. Jamais un tel orage ne fondit sur ma tête, je le jure ; avec le tonnerre, la foudre s’est détachée ; elle est descendue au-dessus de ma tête, on croirait que les arbres ont été brisés.

nonita accouchant.
Jésus, fils béni de Marie, aide-moi, je t’en prie, en ce moment ; mère chérie de Jésus, je t’en supplie, aide mon petit enfant. Envoie-moi ta grâce en ce lieu-ci, pour que je mette au monde mon petit enfant. Je deviens si faible, que je n’en peux plus, par les tranchées et les douleurs qui me piquent. Si je ne deviens mère avant

ma na vezaf mam e berr amser
ez rentif sider ma speret
quement maz aff ne guelaff gour
ach doe roe flour ma sicouret
Ne guelaf certen den en bet
na ne gallaf quet monet muy
ne deux gruec na a miegues
dam laquat aes da appessy
Oz hars an men man damany
so duet em studi an muyhaff
pan eo duet an pret dre ditin
ret eo dan naou glin anclinaff

nonita.

Ma daou dorn guen harpet enhaff
ha ef oz rannaf maz graf soez
eguit lamet ah ma glachar
euel ecoar dre vn argouez
ha pa en guelaf ez graf souez
gant carantez guirionez eo
setu aman oz hars an men
ganet eo certen vn den beo
Goude ma anquen me ezneo
hep goab mab eo beo ha seuen
heman eo certen ma tensor
ret eo gant enor egorren
me guel an amser quen seren
ha quen louen plen ha quen fin
hac a heol splan euel an haff

peu, je rendrai bientôt l’esprit. J’ai beau aller et venir, je ne vois personne. Ah ! Dieu, roi doux, secourez-moi. Je ne vois personne autour de moi et je ne peux plus marcher. Il n’y a ici ni femme, ni sage-femme, pour apaiser mes douleurs. Auprès de cette pierre-ci, qui est apparue dans ma plus grande peine, puisque le temps marqué par le destin est arrivé, il faut que je m’incline à deux genoux.
nonita.
Mes deux mains blanches appuyées sur la pierre, la divisent en deux, à mon grand étonnement, pour me tirer de peine. Elle s’amollit, comme par un miracle, et devient comme de la cire. Quand je vois cela, je suis émerveillée ; je suis pleine d’amour, c’est la vérité. Voici qu’auprès de la pierre il est né un homme vivant ; après mes douleurs, je le reconnais. Sans mentir, c’est un fils vif et gaillard ; celui-ci est certainement mon trésor, il faut l’élever avec honneur. Je vois le temps si serein, si gai, si beau ; le soleil est brillant comme en été, et je pense que c’est pour

hac ez soingaff e bezaf din
Rentaf gracou voar ma dou glin
a griff anterin dan trindet
pan off gret hep gou main laouen
ha ma mab certen duet en bet
ahanen reson eo monet
gant ma mab ganet pan edy
rac nam be blam oz chom aman
pret eo breman monet dan ty
Pret eo deomp euez anhezy
dre sourcy gant ma mab bihan
maz vezo en fez badezet
e gracc meurbet an speret glan
Me oz supli tut an ty man
douguit breman hep ehanaff
an mab bihan heruez an fez
gant carantez da badezaff

hospes.

Deomp comun gant compaignunez
gant cals reson ha guirionez
maz vezo en fez badezet
gant tut guir da bout compizrien
ha comazreset caezret den
pan eo louen leun a quenet
Pan eo dan prellat relatet
hac en diuis quen discret
ez vezo net badezet sur
dre mazeo den bras hac a stat

moi. A deux genoux,je rendrai grâce à la Trinité, puisque je suis devenue mère en vérité et avec joie, et que mon fils est certainement venu au monde. Il faut, avec raison, que je m’en aille d’ici avec mon fils qui vient de naître, de peur que je ne sois blâmée de rester en ce lieu. Il est temps actuellement d’aller à la maison ; il nous est temps de gagner une demeure, par égard pour mon petit enfant, afin qu’il soit baptisé dans la foi, et dans la grâce parfaite de l’Esprit-Saint. Je vous supplie, gens de cette maison, portez actuellement sans vous arrêter le petit enfant pour être baptisé selon la foi avec charité.
l’hôte.
Allons tous en compagnie, avec beaucoup de raison et de vérité, pour qu’il soit baptisé dans la foi avec des hommes justes pour compères, et des commères choisies parmi les plus belles femmes, puisqu’il est joyeux et plein de beauté. Puisqu’il est destiné à devenir prélat, et qu’il est l’objet d’un choix si distingué, il sera surement baptisé avec éclat. Puisque c’est un personnage

bennoez en eur glan maz ganat
auantur mat dan croeadur.

presbiter.

Dez mat golou kernch tnou louen
da mab beniguet cazret den
an mab man certen a reno
hac a bezo cuff hac vuel
ha den vaillant prudant santel
e breiz ysel huy a guelo.
Ma caffet dour nin recouro
heruez an fez en badezo
en benigo pan vezo pret
aman nedeux ran na bannech
na ne guelaf gleb enep lech
na tnou na kernch mazomp nechet


(Miraculo fons nascitur.)

Setu vn feunteun eyenuet
an caezraf nan netaf caffet
a neuez sauet credet sur
nin gray badezet caezret stat
gant an dour man so glan haznat
gant an heur mat an crœadur

grand et illustre, bénédiction à la mère qui l’engendra, bonne aventure à l’enfant !
le prêtre.

Bonjour et lumière joyeuse en haut et en bas à l’enfant béni, le plus beau des hommes. Cet enfant-ci régnera certainement, et sera doux et humble. Ce sera un homme vaillant, prudent et saint en Basse-Bretagne : vous le verrez. Si l’on trouvait de l’eau, nous y aurions recours, et nous le baptiserions selon la foi ; nous le bénirions lorsqu’il en serait temps. Mais ici il n’y a ni grenouilles, ni une goutte d’eau, et je ne vois rien de mouillé nulle part, ni en bas, ni en haut, et nous sommes fort embarrassés.

(Une fontaine s’élève miraculeusement.)
Voilà une fontaine qui vient de surgir, la plus belle et la plus pure qu’on puisse trouver. Elle est nouvellement sortie, vous pouvez le croire. Nous le baptiserons d’une belle manière avec cette eau-ci qui est pure sans doute, pour le bonheur de l’enfant.
(Benedictio aquœ baptismatis seu fontis.)

Guir dour fourmal principalhaff
ha feunteun mat hegarataff
da benigaf amennaff sur
en hanu an tat an mab queffret
hac an speret glan elanvet
maz vizi bepret caffet pur
Duet gant stat gant an crœadur
da bout badezet golchet sur
duet dre aeur voar an euryen
ha te den dall azeux gallout
ha crocq apret naz vezet douet
Heruez da gallout da souten
A te cret en roe doe ha den
a voue scuiz stanc gant cals anquen
beden maru yen oz da prenaff
ha goude ez duy en diuez
da barn a maru han beo euez
pan duy an dezuez diuesaf

patrini.

An trase parfet a credaf
dizreiff oz doe de avoeaf
euez renoncaff a graff net
da pechet dan dan drouc speredou
da tricheboul an diaoulou
ha do euffrou a glan coudet

(Bénédiction de l’eau baptismale ou de la fontaine.)

Vraie eau naturelle et primitive, fontaine bonne et aimable, je veux te bénir sûrement, au nom du Père et du Fils ensemble, et de l’Esprit-Saint, ange du monde, pour que tu sois trouvée toujours pure. Venez avec pompe à la suite de l’enfant, afin qu’il soit baptisé et bien lavé. Venez à cette heure sur la source. Et toi, homme aveugle, puisque tu le peux, prends de suite cette eau, n’aie pas de défiance ; elle te donnera la force et le pouvoir de te guérir. Et toi, crois-tu au roi dieu et homme qui a souffert tant de fatigues et de peines jusqu’à la froide mort, pour te racheter, et qui viendra pour juger les morts et les vivants, lorsqu’arrivera le dernier jour ?

les parrains.
Je crois cela parfaitement, je me tourne vers Dieu pour en faire l’aveu. Je renonce aussi absolument au péché et aux mauvais esprits, aux tromperies des démons et à leurs méchantes œuvres.
presbiter.

Devy mez badez gant fez net
en hanu an tat an mab apret
hac an glan speret apret plen
ha maz vizi din ha dinam
beden finuez ha neuez flam
hep quet anam na blam amen

(baptizatur.)

Dal liufre guen ez querchen plen
ha goulouen scler daz deren
dan ty bizuiquen da renaff
dalch badizient hac a hent mat
maz duy dan pret caezret stat
entre re mat da ebatafff

(Pausa.)
cecus.

Me meux cleuet hac ez credaff
ez eux feunteun’oz eyenenaf
guelchi a mennaff quentaff pret
breman hep nac ma daoulaguat
pan ouf dall ha fall e goall stat
ha ma drem plat so trellatet

(Et lavat oculos.)

En lech maz voe rez badezet
an mab bihan neuez ganet

le prêtre.

Divy, je te baptise avec une foi pure, au nom du Père, et puis du Fils, et du Saint-Esprit aussi, pour que tu sois digne et sans tache jusqu’à la fin, et que tu sois renouvelé, sans aucune souillure ni blâme. Ainsi soit-il.

(Il est baptisé.)

Tiens la livrée blanche autour de ton cou, et un cierge allumé à la main, pour régner à jamais dans la maison. Garde ton baptême et le bon chemin, pour que tu arrives dans le temps au plus bel état, pour te réjouir avec les bons.

(Pause.)
un aveugle.

J’ai entendu, et je crois qu’il y a une fontaine qui surgit. Je veux aller sans tarder m’y laver les yeux, puisque je suis aveugle, et faible et en mauvais état, et que mon visage est plat et défiguré.

(Il se lave les yeux.)
Dans le lieu où a été baptisé le petit enfant nouveau-né, ma vue m’est revenue parfaitement

ma guelet parfet so duet diff
a tragarez doe so roe bet
me so dre e dour recouret
mat voe dif me parfet credif
Ma guir fillor a enorif
ha mab deuy a suppliiff
quement mazif ne fillif quet
dirac mab doe so guir roe ster
maz vizif dinam pep amser
hac ene niuer quemeret.

Alter sine naso et oculis.

Allas me so breman poanyet
hep fri na laguat trellatet
ha dall ganet e penet bras
mazof fortunyet en bet man
carguet a reux hac emeux poan
nem sicour vnan voar an cas.
Me suply doe nep am croueas
dren dour neuez a descueuzas
dre burzut bras me hoz assur
en lech maz voe rez badezet
an mabic devy beniguet
vn dall so saluet caezret cur
Doe maz care dre e aeur
am grahe saluet men cret sur
ha dren crœadur procuraf
me ya sider dam mem guelhy
dan feunteun neuez ha dreizif
doe ha devy a supliaff

par la grâce de Dieu, qui est le roi du monde. Je suis guéri par son eau ; bien m’a été de croire fermement. J’honorerai mon vrai filleul, et je supplierai l’enfant Divy, que, tant que je vivrai, je ne défaille pas devant le Fils de Dieu, qui est le vrai roi des astres ; que je sois sans tache en tout temps, et que je sois reçu au nombre de ses Saints.
Un autre sans nez et sans yeux.
Hélas ! je suis grandement affligé ; sans nez et sans yeux, je suis bien défiguré. Né aveugle, et dans la plus grande peine, voilà mon sort dans ce monde. Accablé de misère et d’infortune, personne ne me soulage dans cet état. Je supplie Dieu qui me créa, au nom de l’eau nouvelle qu’il a fait surgir par un grand miracle, je vous assure. Dans le lieu où a été baptisé Divy, le petit enfant béni, un aveugle a été guéri par une belle cure. Dieu, s’il le voulait, par sa puissance, me guérirait, je le crois fermement, et il le ferait en faveur de l’enfant. Je vais avec joie me laver à la nouvelle fontaine, et par sa vertu je prierai Dieu et Divy.
(Et lavat oculos et nasum.)

Jesu roe noar a caraff
quen hoantec ez trugarequaff
me aioa claf hac anaffet
hac aioa exquis ma visaig
breman off ioaeus a vsaig
guir auantaig a couraig duet
A devy te so benniguet
me so dre da dour recovret
doe re ve meulet an pret man
mazeo dan tut cals burzudou
a trugarez doe roe ploueou
dre da pedennou dan tnou man

presbyter seu episcopus.

Pan eo en guir fez badezet
ret eo pep tu ez conduhet
hac ez macquet a coudet plen
dren pez mazeu din continu
flour ha courtez en hanu Jesu
en placc setu hanuet Ruben
Goude gant enor hac ordren
pan duy an pret acoudet plen
ez vezo certen soutenet
da bout en ylis souysant
da disquif da bout studiant
maz vezo vaillant pep andret

nonita.

Duet eo en mat mat ma crœadur

(Il se lave les yeux et le nez.)

J’aime Jésus, roi du firmament ; je le remercie de bien bon cœur. J’étais malade et bien connu pour l’être, et mon visage était fort laid. A présent, je suis joyeux et rétabli ; la santé et le courage me sont venus. Et toi, Divy, tu es béni : je suis guéri avec ton eau. Que Dieu soit loué en ce moment, où les hommes ont vu beaucoup de miracles, par la grâce de Dieu, roi des campagnes, et par tes prières en cette vallée.

le prêtre ou l’évêque.

Puisqu’il est baptisé dans la vraie foi, on doit le conduire de tous côtés, et l’élever comme il faut ; parce qu’il est vraiment digne, frais et courtois au nom de Jésus, dans le lieu nommé Ruben. Ensuite, avec honneur et ordre, lorsque le temps marqué viendra, il sera certainement soutenu pour être reçu dans l’église, et pour apprendre à étudier, afin qu’il soit parfait de toute manière.

nonita.
Mon enfant est venu à bien : il est temps

pret eo e cacc sur dre furnez
maz desquo spes pep oreson
ha pep reson ha guirionez
da bout ardant e carantez
en articlou fez an buhez sur
e cacc da Paulin continant
da bout vaillant e auatur

nonita ad Filium.

Ma mab devy deomny sigur
ma guir crœadur an purhaff
dren pez maz eo onest e stat
da vng mestr mat en hoz grataff

davidagius ad matrem.

Ma mam courtes spes onestaf
hoz sintif scaff a mennaf prest
moz sento courtes gant reson
en traou guirion hac onest

nonita ad Paulinum.

Mestr reuerant e pep andret
salut deoch bepret a pedaf
dre maz a taill den vaillant
gant cals a hoant e presantaf
ma mabdevy da studiaff
da reolyaff gant guellaff pret
en offizcou en traou din

assurément de le diriger vers la sagesse, afin qu’il apprenne les prières avec toute raison et vérité, pour être ardent dans la charité et connaître les articles de foi et vivre dans la justice. Il faut l’envoyer à Paulin sur-le-champ, afin de rendre son aventure parfaite.
nonita à son fils.

Mon fils Divy, allons vite ; mon cher enfant, le plus pur de tous les enfants, pour vous former au plus honorable des états, je vais vous confier à un bon maître.

divy à sa mère.

Ma mère courtoise, la plus honnête des mères, je veux vous obéir sur-le-champ. Je vous obéirai fidèlement et avec raison, en ce qui est juste et équitable.

nonita à Paulin.
Maître respectable de toute manière, je vous prie de recevoir mon salut. Comme il a la taille d’un homme vaillant, je vous présente avec beaucoup d’empressement mon fils Divy, pour le faire étudier, pour l’instruire le mieux qu’il sera possible dans les offices, dans les choses divines, au

en hanu anterin an trindet
Me hoz gray vaillant contantet
en hanu roe bet ha bezet sur
deoch enor vezo ha do stat
disquiff en mat ma crœadur

paulinus.

Doe roz saluo pep tro ha huy hoz stat
guir leanes courtes a maiestat
hac a eur mat pep stat doz crœadur
duet mat en ty huy ha huy rabihet
hoz mab devy me en gray raliet
men desquo net berr respet credet sur
da bout vaillant prudant a auantur
men groay cloarec da prezec pep lectur
maz vezo fur assur en scriptur glan
en theology ny en gray raliet

magister ad Davidagium.

Chemet devy gueneompny en ty man
benoez hoz man hoz eux flam dan tra man
alies hel cuf vhel hoz guelo
ni hoz desquo vn tro pan vezo pret

nom de la Trinité-Sainte. Je vous rendrai parfaitement content, au nom du roi du monde, et soyez sûr qu’il y aura honneur pour vous et pour votre profession, d’instruire mon enfant dans le bien.
paulin.

Que Dieu vous salue toujours, vous et votre état, véritable religieuse courtoise pleine de majesté, et accorde toute sorte de bonheur en toute condition à votre enfant. Soyez les bien venus dans la maison l’un et l’autre. Je ferai de votre fils Divy un homme savant. Je lui apprendrai en peu de temps, soyez en sûre, à devenir vaillant, prudent dans sa vie. Je le ferai clerc, pour prêcher toute lecture. Pour qu’il soit sage et versé dans l’Écriture sainte, nous le rendrons docte en théologie.

le maître à Divy.
Restez, Divy, avec nous dans cette maison ; la bénédiction répandue sur votre visage, vous dispose à ceci ; l’ange bon et élevé vous visitera souvent, et nous, nous vous instruirons quand il en sera temps.
davidagius.

Ma mestr Paulinus joyeussaff
hoz caret a graf guellaf pret
euez quement so en hoz ty
an grayen study raliet.

nonita.

Me pet guir roe tir doz miret
me cret ezeo pret recedaff
adeo adiu ma mab devy
pret eo hep sy dispartiaf.

davidagius.

Adieu ma man estlamet
aman meurbet emem hetaff
me chomo spes en hanu Jesus
gnnt paulatinus joeusaff

paulinus.

Adieu dichuy hep sourcy Nonita
doe roz miro pep bro roz bezo joa
da studiaf de ja ny alaquay
hoz mab devy en studi alies.

(Tenet scholas.)

Cza bugale me crethe ez ve pret

divy.

Mon maître Paulin, le plus aimable des maîtres, je vous aime de toute mon ame, et aussi tous ceux qui sont dans votre maison, et qui me rendront savant dans mes études.

nonita.

Je prie le vrai roi de la terre de vous garder, je crois qu’il est temps de me retirer. Adieu, adieu, mon fils Divy, il est temps de prendre congé sans retard.

divy.

Adieu, ma mère admirable ; je me plais ici extrêmement, j’y resterai volontiers au nom de Jésus avec Paulin, le plus aimable des maîtres.

paulin.

Adieu à vous sans souci, Nonita. Que Dieu vous garde en tout pays, et qu’il vous accorde la joie. Nous mettrons de suite votre fils Divy à l’étude, et nous le ferons étudier souvent.

(Il tient la classe.)
Ça, enfants, je crois qu’il est temps, si vous

mardeo hep sy gueueochuy studiet
ez ve rentet construet lenet sur
ha rac se clouer duet fier dan cercuit
rentit hoz test prest prest na archuestet
hac ententit dre merit an scriptur

davidagius.

Me ya breman hep ehanaf
da studiaff hep tardaf quet
pep profici theologian
maz guylliff entent ma quentel
so dif me vuel reuelet
me yelo presant do rentaff
ma faziaff ne menaf quet
bede ma mestr quer reuerant
so vn den prudant pep andret

primus discipulus.

Me guel maruaillou hep gou quet
voar tro devy quen raliet
coulmguen disquennet de metou
ha quen santel ouz e quelen
hac y quen jolis oz disquen
voar e pen gant canoennou

secundus discipulus.

Nuen reiz ezgoar an hol ardou
pep studi han prophiciou

avez étudié avec attention, de traduire, de construire, de lire avec soin. Ainsi, clercs, venez hardiment autour de moi, rendez votre témoignage bien vite et sans hésiter, et comprenez le mérite de l’écriture.
divy.

Je vais actuellement, sans m’arrêter, étudier, sans plus différer, toutes les questions théologiques, pour que je puisse entendre ma leçon qui m’a été révélée d’en haut. Je vais maintenant la réciter ; je ne crois pas que je me trompe. Je vais trouver mon maître si respectable, qui est un homme prudent de toute manière.

un premier disciple.

Je vois, sans mentir, des choses merveilleuses autour de Divy si savant : une colombe blanche qui est au-dessus de lui et qui l’instruit si saintement. Elle est bien jolie, et elle descend sur sa tête en chantant.

un second disciple.
Il connaît si bien tous les arts, toutes les études et les prophéties ! Il récite si joyeusement les

hac an officou quen louen
Davy so hoantec cloarec bras
dre vn gracc diuin quen dinoas
e quen couls goas ne guelas den

davidagius.

Aman ez chimiff ne griff quen
gant desquebl germen so den mat
en enesen languen vvmendi
e jmmy en vng studi mat
eguit pidiff doe dereat
ha len leiffriou mat a grat plen
Da miret oz an pechedou
auber an vertuziou louen

paulinus.

Me eo Paulin dre vn sin teminet
dre barr auel collet hel ma guelet
dall ha goallet abaffet ezedou
a het decc bloaz goaz oz goaz eza diff
ne gallet quet ne pret ma remediff
ha hiruoudif, nichif pan deu dif coff
Ne sourci glan nep vnan ahanoff
maz of priuet an guelet ha gret doff
me men approff am be me nep rouez
amen pidy hep muy ma disquiblion
maz rohent y ho benediction
hac oreson gant reson guirionez.
Bugale mat dre au stat a badez

offices ! Divy a envie d’être un grand clerc ; il est si innocent par grâce divine, qu’on ne vit jamais un tel homme
divy.

Je resterai ici ; je ne ferais pas davantage avec des disciples germains, qui sont de bonnes gens, dans Languen Wmendi, à Immy, où il y a une bonne étude, pour prier Dieu convenablement et lire de bons livres avec plaisir, pour me préserver des péchés et suivre joyeusement la vertu.

paulin.
C’est moi, Paulin, qui suis bien malheureux : par un coup d’air j’ai perdu la vue. Je suis aveugle, paralysé et étourdi. Depuis dix ans, je vas de mal en pis, aucun remède ne me peut soulager. Je soupire, je m’afflige quand j’y songe. Personne absolument ne s’occupe de moi ; je suis tout-à-fait privé de la vue. Je veux éprouver si elle ne pourra pas s’éclaircir ; et je prie, sans plus attendre, mes disciples qu’ils me donnent leur bénédiction, et des prières avec raison. Mes bons enfants, par l’état du baptême, si vous

mar oz eux hoant presant dam carantez
ozif truez en priuez hoz bezet
gret sin an croas dre guir boas hac a stat
voar ma bisaig hep faig dre vsaig mat
ma doulagat so e drouc stat badet

primus discipulus.

Ma mestr vaillant e pep andret
me hoz grai synet an pret man
en hanu an tat han mab apret
quet queffret hac an speret glan

secundus discipulus.

Me syno hoz drem a breman
hep sellet poan gant an lancgroas
en hanu Jesus dre guir vsaig
me guel en bisaig arraig bras

tertius discipulus.

Breman me a groa sin an croas
gant enor bras me hoz croaso
gant reson voar an beronic
antentic me hoz benigo.

paulinus.

Ac eff so muy aduy dam benizien

voulez me faire plaisir, ayez pitié de mon état de privation. Faites le signe de la croix, selon l’usage et la coutume, sur mon visage, pour le rendre à son premier état ; mes yeux sont bien malheureusement affectés.
un premier disciple.

Mon maître, vaillant en toutes choses, je vais de suite faire sur vous le signe de la croix ; au nom du Père, et du Fils ensuite, et ensemble de l’Esprit-Saint.

un second disciple.

Je vais aussi faire le signe de la croix sur votre face ; je le ferai sans peine avec le fût de la croix, au nom de Jésus, d’après l’usage véritable. Je vois dans votre visage un grand trouble.

un troisième disciple.

A présent je fais aussi le signe de la croix. Je ferai avec honneur le signe sur vous, et avec raison sur la véronique, je vous bénirai attentivement.

paulin.
Y en a-t-il d’autres qui viendront me bénir ?

gret da davy maz duy hiuiziquen
rac an anquen so yen oz ma benaf
ne gallaf enep stat bout en mat nos na dez
en hanu Jesu porz pep tu a truez
gant carantez me a supply dezaff

primus discipulus ad Davidagium.

Allas Devy mez supli net
bed an rector duet poz peder
reit en mat oz benigaden
rac dreist pep pen hoz goulener

davidagius.

Bed an doctor de enoraff
mont amennaff hep tardaf quet
monet de guelet ne cretsen
me yel cren pan off quemennet
Dec bloaz so breman voar an pret
ne cretsen quet dra arretaig
na nep meur guer ne liuiris
ne sellis an quis e visaig
Mes a queremen em pennaig
ne doa dre faig na outrachi
quement maz aen en dougen net
hac e caret dre meledy
Ma mestr breman gant letany
sctu duet devy doz quichen

Faites venir Divy actuellement ; car une douleur froide vient me piquer, je ne me trouve bien ni nuit, ni jour. Au nom de Jésus, par pitié, cherchez-le de tous côtés ; par charité, je le supplie de venir.
le premier disciple à Divy.

Hélas ! Divy, je vous supplie instamment de venir trouver le recteur, puisqu’il vous en prie. Donnez-lui votre bénédiction, car il la demande par-dessus tout.

divy.
Vers le docteur, pour l’honorer, je veux aller sur-le-champ. Je n’osais pas l’aller voir ; mais j’irai de suite, puisque je suis mandé. Il y a dix ans, actuellement, que je n’aurais pas osé m’arrêter, ni dire un mot devant lui, ni le regarder en face en aucune façon. Mais ma résolution est prise ; je serais fâché de lui faire de la peine. Je veux lui montrer, en allant le voir, que je le respecte, que je l’aime et le bénis. Mon maître, soyez actuellement avec joie, voilà Divy venu auprès de vous. Commandez-lui ce que vous voudrez, il le fera, vous pouvez bien l’en croire.

gourhemenet scler a queret
reson ez ve gret credet plen

Cui magister paulinus.

Ma guir scolier a manier reuerant
me az suply ez gruy espediant
vn sin vaillant prudant e pep banden
groa sin an croas a choas hac a boas net
voar ma enep so diheuelebet
maz vezo net fresquet dre da peden

davidagius.

En hanu anterin an trindet
tat mab queffret ha speret glan
breman gant fez rac maz gruez clem
me benig da drein a breman
euit maz guili gant dipoan
breman aman a goez an bet (tut)
da daoulagat ha da statur
maz vezo assur vn burzut

paulinus.

Benoez doe tat pep stat dat crœadur
rac ma quelet so duet parfet sur
dre da aeur auantur an furhaff
acc dre gracc doe an guir roe an crœer
breman ezaff quentaff ez guelaf scler
dre da mister fur hep diferaff

le maître paulin lui répond.

Mon véritable écolier, aux formes respectables, je te supplie, fais bien vite un signe vaillant et prudent sur chaque côté. Fais deux fois le signe de la croix comme il faut, sur ma face qui est défigurée, pour qu’elle soit rafraîchie par ta prière.

divy.

Au nom de la Trinité entière, Père, Fils et Saint-Esprit aussi, actuellement avec foi pendant que tu te plains, je bénis ta figure de ce moment, afin que tu voies sans peine, ici, en présence du monde, et que tes yeux et que ton corps soient guéris par miracle.

paulin.
Bénédiction de Dieu le Père sur sa créature, car la vue m’est revenue entièrement, par ton heureuse et sage aventure ! Et par la grâce de Dieu, vrai roi et créateur, à présent je vois très clair, par ton sage ministère.
conjux.

Me so nechet gant an bet man
oz guelet he splet het ledan
hac ezoff aman souzanet
maru e drouc stat eo ma chatal
gant vn benin re creminall
disleal ma bestialet
Me ya hep mar da lauaret
da doen testeni dam priet
rac an splet so duet morchedus
oz guelet pep stat ma madou
mazoff pourisset hep quet gou
ha ezof kernch tnou caffouvs
Allas ma priet morchedus
off, pa hoz guelaf anaffus
laquet omp confus da musial
paurisset omp breman haznat
fortun so duet ne gallet pat
maru eo pep stat hon hol chatal

maritus.

Lazet ingrat hon hol chatal (?)
a guir eo tra se ha leal
meya rac ma tal eualhen
deux gueneff euez ha bez hel
breman present e berr quentel
beden den santel don quelen
Ha pedomp devy don diffen.

une femme.

Ce monde me fait peine, quand j’examine son état de droite et de gauche, et je suis ici bien tourmentée. Mes troupeaux sont morts misérablement par un poison trop criminel, funeste pour mes bestiaux. Je vais de suite trouver mon époux, et lui dire de porter plainte ; car le cas est bien triste de voir en quel état est mon bien. Me voilà devenue pauvre sans mentir, et je suis ruinée en haut et en bas. Hélas ! mon pauvre époux, je viens vous trouver bien affligée. Nous voilà réduits à l’aumône : nous sommes tout-à-fait ruinés. La fortune nous était venue ; elle ne pouvait durer. Tous nos troupeaux sont morts misérablement.

le mari.
Tous nos troupeaux seraient tués cruellement? cela est-il vrai et loyal ? Je vais sur-le-champ. Viens aussi avec moi, et sois tranquille. Je vais exposer en peu de mots mon désastre à l’homme saint, pour qu’il me donne son avis. Prions Divy de nous défendre, et allons

ha deomp gant youl de goulen
pebez prenden so disquennet
da devy hon em supliomp
dezaff beb vn guer discleriomp
hac enoromp na fellomp quet

maritus.

Devy ni so melconiet
hon chatal hon aneualet
so maru ha lazet hon cret sur
mazomp paurisset competant
an dra se so e pour neant
maz eo truant hon auantur
Ach dre amour hon sicour sur
en hanu doe ha dre da aeur
ha maz vizint pur assuret
ha porz a truez en guez man
mar bez profit na merit glan
ho digacc breman voar an bet

davidagius.

Autrou so croeer dan steret
breman parfet ez requetaff
dascorch mar bez mat an chatal
mar bez leal ho jngalaff
Rac ho perchen ho goulen scaff
ha so oz gouelaf quen claffet
roy breman a goez an tut
maz vezo burzut reputet

de bon coeur lui demander quel fléau est descendu sur nos troupeaux. Adressons-lui notre supplique ; faisons-lui notre déclaration mot pour mot, et honorons-le, n’y manquons pas.
le mari à Divy.

Divy, nous sommes affligés. Nos troupeaux, nos bestiaux sont morts ou tués, nous te l’assurons. Nous sommes appauvris tout-à-fait ; cela nous jette dans la misère et l’anéantissement : notre sort inspire la pitié. Ah ! par charité, aide-nous, au nom de Dieu par ton intercession. Que nos bestiaux soient en sûreté, et dans un port de miséricorde, cette fois, s’il y a profit ou bon mérite de les faire revenir dans le monde.

divy.
Seigneur, créateur des astres, en ce moment je te prie instamment de ressusciter les bestiaux, si c’est bien, s’ils viennent d’un partage loyal ; car leurs maîtres les demandent fortement, et pleurent jusqu’à en être malades. Rends-les actuellement en présence du monde, pour que le miracle soit répandu.
(Resduscitantur animalia.)

Hoz chatal hoz aneualet
so jachet ha rescuscitet sur
lisit hoz anquen hoz enoe
ha seruichit doe an roe pur

maritus.

Setu dan tut vn burzut bras
guitibunan cleuit an cas
hon chatal bras aioa gloaset
dre Devy ny so guizuidicq
breman setu y pacificq
aioa maru micq ha pistiguet
Beniguet eo doe guir roe bet
hac euez an sent ententet
doe ra ve meulet da quentaff
breman voar an placc men graci
hac entre pep re sanct devy
pep heny ho glorifiaff

nonita.

Aman en hanu doe guir roe bet
en seruichif ne fillif quet
e cals a ancquen ha penet
hep quet amar dre e caret
Visitaf hel an chapelou
dre guir diuis han ylisou
ma men ten dan offerennou

(Les animaux sont ressuscités.)

Vos bestiaux, vos animaux sont guéris, sont ressuscités. Laissez votre chagrin et votre ennui, et servez Dieu le roi pur.

le mari.

Voilà pour le monde un grand miracle : écoutez tous ce qui est arrivé. Nos grands troupeaux étaient blessés à mort. Par Diyy, nous sommes rendus au bonheur ; voilà à présent qu’ils sont guéris, eux qui étaient morts dans les souffrances. Béni soit Dieu, vrai roi du monde et aussi les saints, entendez-vous ? Que Dieu soit loué d’abord : je le remercie sur le lieu même ; et, parmi tous les autres, saint Divy. Je glorifie aussi tous les autres.

nonita.
Ici, au nom de Dieu, vrai roi du monde, je le servirai, je n’y manquerai pas. Malgré mes douleurs et mes peines, je l’aimerai toujours sans aucune hésitation. Je visiterai les chapelles, et avant tout les églises. J’assisterai aux messes. Nuit et jour en abstinence, je me nourrirai de pain et

nos ha mintin en abstinancc
voar dour ha bara damp auancc
an re se so da reuerancc
nem bezo quen dam soutenancc
Ma mab Devy so conduiet
ha gant an tut guir inspiret
ma hunan aman off manet
da seruichaff doe guir roe bet
Chomp anterin beden finuez
chast hac ardant e carantez
euit seruichaff nos ha dez
da guir roen tron gant guirionez
Digant roe glen ez goulenaff
pan duy an dez da finuezaff
pep sacramant dam goarantaff
maz vizif glan ha dianaf

rector seu parochus.

Cleuet certen Xpenien mat
ordrenet eo spes coffessat
hac ober pasq mat a stat plen
duet eo deia an hoarays
rac se tut mat me haz attis
duet dan ylis pep guir christen

nonita.

Me yelo apert ha certen
pan eo deomp louen ordrenet
a breman pan off leanes

d’eau ; c’est la tout ce qu’il faut pour vivre ; je n’aurai pas autre chose pour me soutenir. Mon fils Divy est conduit et inspiré par les hommes justes ; et moi je suis restée seule ici pour servir Dieu, vrai roi du monde. Restons jusqu’à la fin chastes et ardents dans la charité, pour servir nuit et jour le vrai roi des trônes, en toute vérité. Je demande au roi du pays, lorsque viendra mon dernier jour, que je sois fortifiée par tous les sacrements, et que je sois pure et sans tache.
le recteur ou curé.

Écoutez bien, bons chrétiens ? il est ordonné expressément de se confesser, et de faire de bonnes Pâques en état de grâce. Le Carême est déjà venu : ainsi, bonnes gens, je vous le conseille, vrais chrétiens, venez tous à l’église.

nonita.
J’irai bien certainement, et avec joie, puisque c’est ordonné. En ce jour, puisque je suis

maz viziff expres coffesset
Goude vaillant sacramantet
recef doe net gant guir creden
dre guir amour ha guir couraig
ha guir seruig ha pinigen

(Ad presbyterum.)

Ma tat gant youl moz goulen
euez absoluen a mennaff
benedicite pater reuerant
goude vaillant sacramantaf

presbyter ad Nonitam.

Ma merch santel pa hoz guelaf
breman syoul hoz absolvaf
an poent quentaf gant guellaf pret
ha vaillant hoz sacramantaf
dalet corf doe hep enoeff
deoch e ministraf a graf net

nonita orando.

Bennoez anterin an trindet
breman ez off net a credaf
ma couraig expres so aeset
mab doe dam miret a pedaf
Breman heuryou a dezrouaff
pidiff scaff gant an anaffnon
nen deuezo den dieznes
me a groay spes ma oreson

religieuse, je vais exprès me confesser ; et aprés avoir reçu l’absolution, je recevrai mon Dieu avec une véritable foi, un amour sincère, un courage assuré, et un véritable repentir.
(Au prêtre.)

Mon père, je m’adresse à vous de bonne volonté ; je désire recevoir l’absolution. Bénissez-moi, mon père vénérable, et après cela je recevrai le saint sacrement.

le prêtre à Nonita.

Ma sainte fille, quand je vous vois, je vous absous sans retard. Le premier point actuellement est de vous donner le saint sacrement. Tenez le corps de Dieu sans peine ; je vous l’administre sans hésitation.

nonita priant.
Bénédiction entière à la Trinité. Actuellement je suis pure, je crois ; mon courage est affermi. Je prie le Fils de Dieu de me garder. A présent je vais commencer mes heures, et je prierai bien pour les morts. Je n’oublierai personne ; je ferai avec soin mon oraison. Je dirai mon chapelet avec attention, de bon cœur et avec dévotion.

Ma chapelet a coudet don
a guir calon ha deboner
pidiff sent spes han santeset
a grif parfet a coudet scler

deus pater ad Lethum.

Dit maruyen me a ordren net
monet breman na ehan quet
en bet parfet hep arretaf
digacc dam miret dre merit
maz vezo guell dre he dellit
ha maz vezo cuit Nonita

nonita.

Me so gant cozni difiet
claff off meurbet voar an bet man
ach autrou doe so guir roe bet
mervell so ret ha compret poan
Pret eo lesel splet en bet man
he hol souzan epep manyer
he hol glachar ha he doare
ha seruichaff doe guir roe ster
Achiuet eo flam ma amser
hac em esper ez prederaf
muy nem goulen da chom enhy
pret eo deffri dispartiaf
Ma guir nouen a goulenaf
quent dispartiaf guelaff ve
ha bout pr[e]sant oingnamantet

Je prierai les saints et les saintes, et je le ferai avec exactitude.
dieu le père à la Mort.

A toi, Mort froide, j’ordonne expressément d’aller sur-le-champ, et sans te reposer dans le monde. Amène-moi Nonita qui a gardé ma loi, pour quelle soit mieux, car elle le mérite et pour qu’elle soit délivrée de tout souci.

nonita.
Je suis accablée de vieillesse : je suis fort malade sur cette terre. Ah ! Seigneur Dieu, vrai roi du monde, il faut souffrir et puis mourir. Il est temps de laisser tout-à-fait ce monde, toutes ses tromperies de toute façon, toutes ses peines et ses allures, et de servir Dieu vrai roi des astres. Mon temps est absolument fini ; il faut que je prenne soin de mon avenir : rien ne m’engage à rester ici, il m’est temps de m’en aller. Je demande ma véritable onction ; avant de m’en aller il serait bien d’être ointe actuellement, et de faire mon accommodement avec le roi du monde. Allez

ha gret oz roe bet ma trette
Monet assur beden cure
pe vn re a ve dereat
rac se hoantec me hoz requet
maz vizif nouet a pret mat

nuncius ad Curionem.

Me eielo breman haznat
eguit e querchat en stat se
ha me aia breman dan ret
maz vihet nouet gant trete

Ad Curatum.

Bon iour assur mautrou cure
duet a lech se na daleet
gant merit bede Nonita
hoz goulen a gra a tra net
Rac se monet maz ententet
he deueux hoantet a credaf
duet de guelet na tardet muy
pret eo ganti dispartiaff

parochus.

Cza beleyen certen pan ordrenaf
deomp de guelet parfet pa hoz pedaff
de consolaf ha de visitaf net
cuf hac vuel ha santel de quelen
an leanes courtes dan enesen

vite trouver le curé, ou tout autre qui serait convenable. Je le désire et vous en prie, afin que je sois mise à propos à l’Extrême-Onction.
(Un messager au Curion.)

Je vais de suite assurément pour le chercher en cet état. J’y vais même en courant, pour que vous soyez mise à l’Extrême Onction convenablement.

(Au curé.)

Bonjour, Monsieur mon curé, venez de là, ne tardez pas. Venez promptement trouver Nonita ; elle vous demande sur-le-champ. Ainsi venez, si vous m’entendez ; car elle vous attend avec impatience. Venez la voir, ne tardez plus ; il lui est temps de s’en aller.

le curé.
Ça, prêtres, je vous l’ordonne et vous en prie, allons de suite voir Nonita, pour la visiter et la consoler. Allons instruire celle qui est si douce, si humble, si sainte, la religieuse courtoise de

rac he nouen a goulen ententet

presbiteri.

Oll ny aiel, tut santel de guelet
an guir sanctes Bretones expreset
meurbet dihaet ha claffet ezedy
pa hon goulen euel hen quemenet
eguit he prof gant cof he bout nouet
duet eo he pret maz eo ret decedy

curio.

Dez mat deoch glan en ti man
leanes duet omp apret doz guelet credet spes
digoar an maes certes en hoz esper
moz guel dihaet ha ponyet en bet man
dirac hon drem leueret lem breman
doare hoz poan hoz souzan hoz manier

nonita sine cantu.

Dam bezaf nouet hoz pedaf
beleyen guen hoz goulennaff
dispartiaf a menaf sur
hac ozoch spes ez confessif
ha presant maz sacramantif
voar pen maziff maz viziff pur

l’île. Elle demande l’Extrême-Onction, entendez-vous ?
les prêtres.

Nous irons tous, gens saints, pour voir la vraie sainte bretonne, qui est bien réduite et fort malade, puisqu’elle nous demande et nous fait venir pour marque de son souvenir, et pour recevoir l’Extrême-Onction. Son temps est venu, il faut qu’elle meure.

le curion.

Bonjour à vous, religieuse pure, en cette maison. Nous sommes venus en hâte pour vous voir, croyez-le. Votre espérance était sans doute que nous vinssions ici. Je vous vois bien réduite, bien affligée en ce monde. Devant nous, dites clairement à présent la nature de votre mal, de votre inquiétude, de votre état.

nonita sans chanter.
Je vous prie de me donner l’Extrême-Onction, prêtres blancs ; c’est ce que je vous demande. Je pense que je m’en vas, et je me confesserai à vous, pour que vous me donniez l’absolution, et que je sois pure lorsque je m’en irai.
pr. sil.

My gray an dra se dre aeur
pan eo graet e stat gant natur
ha deuet eo an hent assuret
ha presant hoz sacramanto
dre guir reol hoz absoluo
ha hoz nouo pan vezo pret
Hoz testamant a goarantet
pan aedouch breman voar an bet
a ordrenhet pa hoz pedaf
gret hy rac hoz drem a breman
ha leset hol splet an bet man
pan aedouch aman dianaff

nonita.

Ma enef da doe guir roe bet
ma corf dan doar preparet
a vezo laquet poz pedaff
hac an peouryen ho souteny
peuch e pep stat hep debaty
da pep heny a suppliaff
Me men dre boas mamen croasaf
pidif roe tron dam pardonaf
cridif a graff gant guellaf pret
guerehes mam Jesu mez suply
vsaff a gracc aduocazcy
ach guerches mari beniguet
Euez ma ael mat gant stat net

le prêtre à voix basse.

Je ferai cela avec joie, puisque la nature a fait son devoir, et que le chemin est devenu sûr. Maintenant je vous donnerai le sacrement ; je vous absoudrai d’après la vraie règle, et vous donnerai l’Extrême-Onction quand il sera temps. Assurez votre testament pendant que vous êtes encore en ce monde ; réglez-le, je vous en prie. Faites-le devant nous maintenant, et laissez tous les soucis de ce monde puisque vous êtes ici sans tache.

nonita.
Je donne mon âme à Dieu, vrai roi du monde. Je prie que l’on mette mon corps dans la terre préparée. Que les pauvres soient secourus ; que la paix soit dans tout état sans débats ; je le demande à chacun. Je désire, comme j’en ai l’habitude, faire le signe de la croix. Je prie le roi des trônes de me pardonner. Je crois à un meilleur temps. Vierge, mère de Jésus, je t’en supplie, de grâce sois mon avocate. Ah ! Vierge Marie, sois bénie. Mon bon ange, aussi avec instance je vous prie, exaucez-moi ; que je sois délivrée de toute

me hoz requet a coudet mat
maz vizif graet francq am anquen
ha mazif dan effou louen
da hizuiquen da louenhat

mors eam occidendo.

Me eo an ancquou dan tnou man
a iaz discascun ma hunan
quement en bet man a ganer
terrian gentil hac ylys
bourch gant enoe hac an ploeys
oll dre maz quis ez punisser
A pep sceurt noeant tout antier
me groa diampeig ma mecher
e pep amser ma materi
ne douigaff tourmant na scandal
ha drouc ha mat han hol chatal
universal hep contraly

(Et occidit.)

Huy leanes gant courtesi
duet eo hoz pret da decedy
diabri eon couclusion
nedoff oz nep re disleal
me hoz scoy patant voar an tal
dalet taol real en calon

deus pater in paradiso.

Mma aelez glan it breman oz an tnou

peine ; que j’aille au ciel avec joie, pour y être heureuse à jamais.
la mort la faisant mourir.

C’est moi la Mort dans cette vallée, qui tue moi-même sans pitié tout ce qui a pris naissance en ce monde, roturiers, gentilshommes et gens d’église, bourgeois aussi bien que paysans ; je les punis tous à ma guise. Je fais toutes sortes de noises. Je fais mon métier sans opposition, en tout temps et à ma manière. Je ne crains ni tourment, ni scandale ; je n’épargne ni bon, ni mauvais, pas mème les bestiaux. Je frappe universellement sans contrariété.

(Et elle la tue.)

Vous, religieuse courtoise, votre temps est venu de décéder ; ma décision est sans appel. Je ne suis déloyale envers personne. Je vous frapperai sur le front : recevez aussi ce coup assuré dans le cceur.

dieu le père dans le Paradis.
Mes anges purs, allez à présent en bas, allez

querchit de ja Nonita dan yoaou
gouden poanyou da bout hep gou louen
maz duy certen dien dan leuenez
ma guir sanctes ma guir leanes rez
hep nep finuez dan guir leuenez plen

angeli.

Deux Nonita na esma quet
beden trindet gant appetit
achiu eo dinam da amser
deux dreist an ster gant cals merit

(Et portatur ad paradisum.)

Dit ezeo reson an gonit
ha cals profit da accuitaff
deux bede an les celestel
dan baradoes hel vhelaff

vicini, presbyteri et alii.

Ny a crethe parfet decedet ezedy
breman an leanes leun spes a courtesy
he lienaf dezy a ve expediant
hastomp na tardomp quet duet eo pret hep quet nam
vaillant gant carantez enbez a neuez flam
anterin ha dinam greomp an enterramant

chercher Nonita pour les joies du Paradis ; qu’après ses peines elle soit certainement heureuse ; qu’elle jouisse de la véritable allégresse, ma vraie sainte, ma vraie religieuse juste, qu’elle jouisse de la véritable joie sans aucune fin.
les anges.

Viens, Nonita, n’aie pas peur, viens trouver la Trinité avec contentement. Ton temps est achevé sans tache ; viens au-dessus des étoiles avec beaucoup de mérite.

(Et elle est portèe dans le Paradis.)

A toi est avec raison la victoire, et beaucoup de profit à gagner. Viens jusqu’à la cour céleste, jusqu’au Paradis le plus élevé.

les voisins, les prétres, et autres.
Nous croyons parfaitement qu’elle est décédée, la religieuse pleine de courtoisie. Il est à propos de l’ensevelir ; hâtons-nous, ne tardons pas ; le temps est venu sans doute de lui préparer avec charité une tombe neuve, et de faire son enterrement avec pompe.
presbyteri et clerici.

Entre an nou men bras
a choas a vn assant
quezcomp hy tra diuin
ha din incontinant
ha so vn lech vaillant
plesant ha pligandus
E douar riuelen so certen ordrenet
ez hanuat an placc man gant an anciendet
gant an tut so reputet so bepret quenedus
An placc man a hanuer
he ker deliberet
hac ez graher dezy
lech ha ty raliet
ha maz vezo pedet
bepret a coudet spes
Dirinon ez hanuer dezi ker reverant
ha chapel hac ylis fournis a parissant
dre mazeo bed vaillant ha prudant ha sanctes
Enterromp hy aman
corf glan an leanes
tost dan mor armoric public guyzuyzigues
ema dou hanter spes e placc aes an deserz
he eneff net gant doe diuoe so guir roe ster
he corf so enterret parfet a coudet scler
entre Doulas a scler ha ker a Landerneau

les prêtres et les clercs.
Entre ces deux grandes pierres, et encore un peu plus haut, cherchons un endroit divin et digne de respect, un lieu beau, plaisant et agréable. Il est situé dans la terre de Rivelen : c’est ainsi que les anciens ont nommé cet endroit ; il a toujours passé dans le monde pour un lieu de délices. On nomme ce lieu-ci la maison de la délivrance. On y a élevé, pour elle, une maison pieuse, où l’on priera toujours comme il faut. On appelle Dirinon cette maison qui lui a été consacrée. On en a fait une chapelle, une église complète et une paroisse, parce qu’elle a été vaillante, prudente et sainte. Enterrons ici le corps pur de la religieuse, près de la mer armorique, à la vue de tout le monde. C’est en ce lieu désert qu’elle a été partagée en deux ; son âme pure est allée se réunir à Dieu, vrai roi des astres, et son corps est enterré entre Daoulas et la ville de Landerneau.
Sequuntur post mortem miracula.
senescales.

Me so den a laes senescal
a mir oz tourmant ha scandal
ha leal didan ma goalen
a delch onest ma maieste
mes fectouryen toueryen doe
me goar an re se ho quelen
Rac se sergantet moz pet ten
jt da emban en vn banden
an breuiou ten han laesennou
maz disclerhier pep materi
ha dre scrit aduertisydy
eguit donet dy diziou

notarius et apparitor.

Cleuet huy tut an statudou
a queffren hep faut an autrou
voar pen diziou dez rauet
ema hep gou an breuigou bras
gouzuizit ha na tardit pas
nep en deueux cas so tasset

notarius citando homines.

Te herri ha te julian
ha riuoall ha te alan
ha huy moruan ha tephany
setu flam hoz auiornamant

(Miracles opiérés après sa mort.)
le sénéchal.

Je suis Sénéchal, homme de justice. Sous ma verge je garde de tourment et de scandale les gens loyaux. Je tiens avec honneur ma majesté. Quant aux malfaiteurs et aux blasphémateurs, je sais bien les morigéner. C’est pourquoi, sergents, je vous prie expressément d’aller publier en une troupe les grands plaids, les lois, pour qu’on explique tous les cas, et de donner des avertissements par écrit pour qu’on vienne assister aux jours.

le notaire et l’huissier.

Écoutez, vous, gens des états, ce qu’ordonne sans faute le seigneur, au sujet des jours qui sont commencés. Ce sont sans mentir les grands plaids, sachez-le et ne tardez pas ; que celui qui a un cas approche.

le notaire, citant les hommes.
Toi, Henry, et toi, Julien, et toi, Rivael, et toi, Alain, et vous, Morvan et Téophanie : votre ajournement est arrivé, au sujet des jours que

voar pen dizion peur cougant
hoz em quifit presant ganty

judex.

Me dan clezeff lem em memor
a justicc mat plat em cador
nedeo disenor dam orin
ouz vn clezeff e pep queuer
vn barner mat hep net atfer
a haualier etren guerin

De gladio.

Don lem don plat hep ren tatin
da pep dezef fin continant
ha croas ha becq da prezec pell
lech dorn ornet mar mennet bell
hac vn pomell guell excellant
An becq anezaf quentaf plant
a siniffi pep quis puissant
pep barner reuerant antier
a dle bout poingnet a fet licc
a calon just auber justicc
ha bout dimalicc officer
Dren lem quentaf hep chen chaff guer
a deffri ez signifier
ez dle pep barner mecher plen
hac auber justicc propicc flour
hep arretaff na douigaff gour
disaour dan mes faectouryen

vous attendiez. Vous vous y trouvez actuellement.
le juge.

Ma mémoire est une épée aiguë. Sur mon siége est bonne justice. Il n’y a pas de déshonneur pour moi si je porte une épée de chaque côté. Un bon juge est sans aucun doute un cavalier entre des guérites.

Sur l’Épée.
Toute épée fine doit avoir sans raillerie deux tranchants et deux plats, et croix et pointe : la place de la main ornée, comme vous pouvez le penser, et un pommeau des meilleurs. La pointe premièrement signifie que tout homme puissant, que tout juge intègre doit être poignant sous le rapport du litige ; qu’il doit rendre la justice avec un cœur droit, et remplir ses fonctions sans malice. Par le premier tranchant il est signifié que sans changer un mot un juge doit faire son métier pleinement, et faire justice propice et douce, sans protéger ni craindre personne, et être sans pitié pour les malfaiteurs. Le second tranchant par vrai mandement signifie que le juge doit de

Hac an eil lem dre guir quemen
A sinifi ez dle dien
sicour an peuryen souten ve
haff ha gouaff hep douigaff gront
oz an re creff, no deceffont
na no foulont e nep montre
An plat a dref an clezef se
a sinifi net gant trette
penaux dreist pep re ez dleaff
bezaff bouzar ouz meurare
hep bout hegredic do rigne
pisaar mar be ez falle scaff
An plat arall ne fell brallaf
a sinifi dren publiaff
ez dle bezaf an quentaf dez
ha cuff hac vuel euel quent
ha delcher hir voar an guir hent
hep foulaf nep meut e hentez
An croas assur pan yscurez
a sinifi hep fazi pez
ez dle bezaf fez anezy
mat ha ten enhaf quentaff can
ha reif e guir dibilif glan
da pep vnan hep souzan muy
Lech an dorn ornet a detri
dre mas astrif a sinifi
ne dle nep remsy variaff
na gouzaf nep stat laquat gou
e lech guir dre stir a guiryou

tout son pouvoir secourir et soutenir les pauvres, été et hiver, sans rien craindre,et ne pas décevoir les forts, ni les fouler en aucune occasion. Le plat de derrière de l’épée signifie que le juge plus que tout autre doit être sourd vis-à-vis de plusieurs, sans être crédule à leurs enchantements. Etre inégal serait une faute : L’autre plat signifie que, devant le public, il doit être ce premier jour et doux et humble comme auparavant, se tenir toujours sur le droit chemin, sans fouler son prochain en aucune façon. La croix lorsqu’on la porte signifie qu’on doit y avoir foi, et être bon et ferme au premier chant, et donner la vraie justice à chacun sans tromper aucun. Le place de la main ornée servant à soutenir l’effort, signifie que nul ne doit être inconstant, ni souffrir en aucune façon que l’on mette le tort à la place du droit, ni que l’on attaque les droits d’un autre. Si quelqu’un vient le surprendre et le pousser par des signes non équivoques, il doit le terrasser de suite, la main fermée et bien serrée, et l’éloigner sans craindre personne. Et s’il continue, il l’achèvera. Le pommeau excellent est un témoin qui signifie évidemment que les honnêtes gens par

eguit aruoazou de plouaff
Mar deu den de sourprenaff
dre aruoaz(r) marzus e rusaff
a dle dezaff e drastaff prest
E dorn sornet a coudet jen
e banissaf hep douigaff den
na mar groa quen ez men en rest
An pomell excellant an test
a signifi quen manifest
an tut oneet dren arhuest cant
ez dle bezaff hep chenchaf cher
prudant, constant vaillant antier
hep bout nep queuer azerant
Me ne grif quen bede menell
tam an draman e nep banel
a diabell memeux sellet
da auber justicc, propicc mat
voar an douar peur hegarat
da pep stat ameux relatet
Delchomp an laes gant onestet
tut hegarat aduocadet
ha huy noteret an pret man
greomp an guirionez anezi
ha lealtet hep arrety
dan bras deffri ha dan binan

Et vocantur.
primus advocatus.

Gueluet herri ha Julian

cent observations doivent être, sans en changer un mot, prudents, constants et très vaillants, sans être tenaces en aucune manière. Je ne ferai pas autre chose tant que je resterai, sans me détourner d’aucune façon. Je me suis appliqué depuis long-temps à rendre justice et bonne droiture, et à être humain sur la terre. J’ai agi ainsi à l’égard des personnes de tout état. Tenons la cour avec honnêteté, avocats, gens débonnaires, et vous notaires, en ce moment agissons avec toute vérité, et avec loyauté, sans que rien nous arrête, ni par rapport aux grands, ni par rapport aux petits.
Et l’on fait l’appel.
le premier avocat.
Appelez Henry et Julien.
secundus advocatus.

Presant ynt rac drem a breman

primus advocatus.

Comset aman na ehanet
descuezet herri hoz libell

secundus advocatus.

Setu didan an siell
ne vihet quet pell oz sellet

primus advocatus.

Aman hoantec ezeux dec scoet
ha so gant Julian manet
anedindy duet guenede ?

julianus.

Nemboe quet dram fez anezeff

primus advocatus.

Ma lauar gaou a te prouffe

henricus.

Na grahen quet rac scecret voe
[me] ho prestis en vn ylis ploe
dezaff men re voar e le doet
mo goestlas, dezi alies [da sancta Non]
eno me carhe ma be aes
voar bez an sanctes expreset

le second advocat.

Ils sont actuellement présents devant nous.

le premier advocat.

Parlez ici sans vous arrêter. Montrez, Henry, votre livret.

le second advocat.

Le voici sous le sceau ; vous ne serez pas long-temps sans le voir.

le premier advocat.

II doit y avoir ici dix écus qui sont restés entre les mains de Julien. Les as-tu portés avec toi ?

julien.

Sur ma foi, je ne les ai point.

le premier advocat.

S’il ment, le prouverais-tu ?

henry.
Je ne le ferais pas, car ce fut en secret que je les prêtai dans une église de campagne. Je les lui donnai sur son serment. Je les ai consacrés à la Sainte. Je voudrais, s’il était possible, qu’on vint exprès sur sa tombe.
judex ad Julianum.

Pe leueret huy Julian
a hui entent lem a re man
comset breman hep souzauy
voar bez an sanctes gant meste
oz herri huy a fazihe
a huy a toehe noz boe y

julianus.

Ya tiz mat hep laquat sy

judex.

Bezet fier an materi
vn tra braseo ho fantasy
e sotoni mar faziet
bezout laetet etren bedis
ha coll an glat an paradis
ha bezout exquis banisset
Aman duet hoz daou da touet
voar bez Nonita a tra net
me az guel mezet hac oz doetaff

julianus permeando.

Breman voar ma stoe ez toueaff
voar bez an sanctes expressaff
bezcoat nem boe scoet nen doetaf
digant herri ne faziaff

le juge à Julien.

Que dites-vous, Julien ? Avez-vous bien entendu ceux-ci ? Parlez actuellement sans vous troubler, sur la tombe de la sainte, avec assurance. Contre Henry vous pourriez vous tromper. Jureriez-vous que vous ne les avez pas ?

julien.

Oui, sur-le-champ, sans balancer,

le juge.

Soyez fier dans l’occasion : c’est une chose importante que votre conduite. Si vous cherchez à tromper par sottise, vous serez honni parmi les gens du monde. Vous perdez le bien du paradis, et vous en serez banni pour toujours. Venez ici jurer tous les deux sur la tombe de Nonita positivement. Mais je te vois confus et indécis.

julien en traversant.
Je jure en ce moment, en me baissant sur la tombe de la sainte expressément, que je n’eus jamais d’écus à Henry, et que je ne le trompe pas.
Et recedit.

Me aia a breman dan kaer
da Herri ne dleaf diner
ma mecher so deliberet
egaou en toeys en quis man
meruell a graff ne caffaf span
gant oun ha poan na ven daff net
Meruell a graff nen nachaf quet
ha ma doulagat quen badet
ret eo diff apret arretaff
difaecon hac un sofony
dre malicc bras ha fantasy
voe diff oz herri faziaff

Et moritur subito.
secundus advocatus.

Mazeo Rigoal hac Alan

primus advocatus.

Hep estlam setuy aman

secundus advocatus.

Petra a fell dihuy a Rigoal

primus advocatus.

Rac Rigoal a dle da Alan
vn res leal a segal glan
ho goulen breman voar an placc

secundus advocatus.

Rigoal a te a dle dre gracc

Et il se retire.

Je vais actuellement à la maison. Je ne dois pas un denier à Henry ; mon affaire est jugée. Mais c’est à tort que j’ai juré ainsi. Je me meurs ; je ne trouve pas de repos, par la crainte et la peur que je ne sois damné. Je me meurs ; je ne peux le nier. Mes yeux sont tout troublés ; il faut que je m’arrête. J’ai fait une sottise par une grande malice et fantaisie, qui ma fait tromper Henry.

(Et il meurt subitement.)
le second advocat.

Où sont Rigoal et Alain ?

le premier advocat.

Ne vous étonnez pas, les voici.

le second advocat.

Que voulez-vous à Rigoal ?

le premier advocat.

C’est que Rigoal doit à Alain un boisseau comble de seigle pur. Il le demande sur-le-champ.

le second advocat.
Rigoal, dois-tu ? En grâce dis-le actuellement

lauar breman dirac an facc
pa ez eux spacc voar an placen

rigoal.

Me lauar rac drem a breman
ne dleaff mal na segal glan
na tra da Alan nep manier

advocatus alani.

Alan a te proffe an guer
nac an rebeig nac an mecher
col a grez fier manen grez

alanus.

Eguit nep pen ne proffen quet
me ho ros hoantec e scecret
ne gray quet ledoet a credaff
me crethe Rigoal ez falhe
ne gallaf proff entouhe
mar carhe men rohe dezaff

advocatus alani.

A te touhe tam an tra man
breman da Alan ep manier

rygoall.

Ya tizmat hep nep atfer

devant nous, puisqu’il y a de l’espace sur la place.
rigoal.

Je le dis devant vous actuellement ; je ne dois ni maille, ni seigle pur, ni rien autre chose à Alain.

l’avocat d’Alain.

Prouverais-tu tes paroles, et te laverais-tu du reproche et du blâme ? Tu perdras beaucoup, si tu ne le fais.

alain.

En aucune façon je ne le prouverais ; je le donnai de bon cœur en secret. Il ne jurera pas, je crois. Je pense que Rigoal se tromperait. Je ne demande pas pour preuve qu’il jure ; s’il veut, je le lui donnerai.

l’avocat d’Alain à Rigoal.

Jurerais-tu en rien ceci actuellement à Alain ?

rigoal.
Oui, sur-le-champ, sans aucun embarras.
advocatus alani.

Voar bez an sanctes ez exper
a dirac cadarn an barner
ez disclerhier an materi

judex.

Entent Rigoaïl mir na filli
na jscur na na pariuri
en punissiff mar faziet
mir na gruy da damnation
eguit madou bet macret don
heul an reson han guirionez
Gorre da dorn glan voar an bez
neuse lauar da digarez
rac se porz mez mar compsez gou
chenchet eu liu voar da diu guen
rac na ves public bizuiquen
allas den serr da guenou

rigoal.

Men toe rac ma drem a breman
nem boe netra digant alan
na segal glan na nep danuez
ennaff breman eo ema goall
comps sotony eux a Rigoall
rac maz eo den fall didaluez

Et recedit.

Alianen cren me men tenno

l’avocat d’Alain.

On l’éprouvera sur la tombe de la sainte, et devant le siége du juge on expliquera la cause.

le juge.

Fais attention, Rigoal, prends garde de tromper ; pour t’excuser ne te parjure pas. Je te punirai si tu trompes. Garde-toi de faire ta damnation pour les biens de ce monde ; crois-moi, suis la raison et la vérité. Lève ta main, si elle est pure, sur la tombe, et dis alors ce qui en est. Tu auras honte si tu mens. Déjà la couleur est changée sur tes deux joues, dans la crainte que ta confusion ne soit publique. Hélas ! homme, ferme ta bouche.

rigoal.

Je le jure devant vous actuellement ; je n’eus rien d’Alain, ni seigle pur, ni autre denrée. C’est donc lui qui a eu tort de dire du mal de Rigoal ; car c’est un homme méchant, un vaurien.

(Et il se retire.)
Je vais me retirer d’ici entièrement, quoi qu’il

hoaruez et rez a hoaruezo
me sanct an dro diff oz donet
me so reusedic bizuiquen
disleal euel vn goall den
rac toet yen so ancquenet
Me so e cals lastez coezet
ma deuesquer so leheryet
ma diu brech sechet seizet oll
toet disleal da Alan
maz of coezet en cleffet man
reputet da poan ha dan coll

primus advocatus.

Guiluit Moruan ha Teophany

secundus advocatus.

Orcza a pep tu setu y

primus advocatus.

Leueret gant enor Morvan
petra a mennet an pret man
hoz hunan digant Tephany

morvan.

Me ros dezi rez da nezaff
vn poes lin a detin finaff
pa en mennaff nen caffaf quet

advocatus theophanæ.

Orcza Tephany studiet

me puisse arriver. Je sens que mon tour est venu d’être puni. Je suis malheureux à jamais, pour avoir été déloyal comme un méchant homme ; car, pour avoir juré à tort, je suis tourmenté. Je suis tombé dans beaucoup d’infirmités ; mes jambes sont disloquées, mes bras sont desséchés et tout paralysés. J’ai juré déloyalement à Alain, et je suis tombé dans cette maladie, qui est une punition et ma perte.
le premier avocat.

Appelez Morvan et Théophanie.

le second avocat.

Çà, les voici des deux côtés.

le premier avocat.

Dites avec honneur, Morvan, ce que vous demandez en ce moment de Théophanie.

morvan.

Je lui ai donné en vérité à filer un poids de lin pour fil le plus fin, et quand je le demande, je ne le trouve pas.

l’avocat de Théophanie.
Çà, Téophanie, réfléchissez : voyez si vous

a huy oz eux eff enez nezet
na dibunet en hoz mettou

theophania.

Nem boe netra eux e madou
na lin na stoub na diboubou
heruez e compsou e gouyat
nem boe e gloan nac e canab
vac e mecher eo auber goab
eguit estrab ne arabat

advocatus morvani.

Morvan ne deux nep diougan mat
hy a lauar ezeo barat
dont da brutat da coll madou
a huy proffe quet dre detin
dre den na pep na dre nep sin
ez rosech lin de yuynou

morvan.

Nen prouffen quen dre nep metou
mar car touet voar an fetou
voar an relegou hep gou quet
me carhe gouzout quet goude
pe me be ma tra pe nam be
pe coll an tra se mar be ret
Cleu Thephany expedy net
sede so hep mar lauaret

l’avez effectivement filé et devidé chez vous.
théophanie.

Je n’eus rien de ses biens, ni lin, ni étoupes, ni bourre : ce qu’il dit est un mensonge. Je n’ai ni laine, ni chanvre à lui. Son métier est de se moquer : pour faire une attrape il n’est rien qu’il n’invente.

l’avocat de Morvan.

Morvan, il n’y a aucune bonne preuve : elle dit que c’est une perfidie de venir plaider pour perdre son bien. Prouveriez-vous par le sort, par quelqu’un ou par quelque marque que vous ayez donné du lin à ses ongles ?

théophanie.
Je ne le prouverais en aucune manière. Mais si elle veut jurer sur les cercueils, sur les reliques sans mentir, je voudrais savoir après cela si j’aurai ce qui m’appartient, ou si je ne l’aurai pas, et s’il faut que je perde cela. Écoute, Théophanie, expédie-toi nettement : il faut le dire franchement et en jurant, et nous verrons si tu oseras

oz touet a te em doeto
alan so breman souzanet
mar quell e lin accoquinet
na paiur quet pe mez laedo

theophania.

Pan falhe cant guez em fez mat
ne touo vnhan haznat
nem boe ne glat nac e madou
me en touhe dirac e facc
nem boe ne gloan nac e lanfacc
aet voar e scoacc e fallacou

judex.

Laqua euez mar comsez gou
ezay da hol mat dan badou
rac se sezlou guell ve poues
laqua euez mat na vady
na re ehaffn na hem daffny
me pet Teffany alies

theophania perjurando.

Mentoe presant dre an sanctes
breman voar bez an leanes
elin nem boe pres da essae
nem boe e danuez da nezaff
euez an trase a toeaff
hA ANezaff eo ez groaff fae

me tromper. Alain sera bien étonné s’il perd son lin tout préparé. Paye-moi, ou je t’étendrai.
théophanie.

Quand il le faudrait cent fois, je le ferai en bonne foi ; mais je le jure une fois clairement, que je n’ai eu ni sa denrée, ni son bien. Je le jurerais devant sa face, que je n’ai eu ni sa laine, ni son étoupe. Que sa malice retombe sur son épaule !

le juge.

Fais attention, si tu mens, que tous tes biens s’en iront à rien : ainsi écoute-moi ; il faut mieux t’arrêter. Prends bien garde de parler indiscrètement ; de vouloir tromper et de te damner : je t’en prie instamment, Théophanie.

théophanie se parjurant.
Je le jure actuellement par la Sainte et sur la tombe de la religieuse ; je n’eus jamais son lin à préparer, je n’eus jamais sa matière à filer. Je le jure encore, et je me moque de lui.
Dolendo.

Ach goa me breman Tephany
so bet bet oz doen fals testeny
hac oz pariuri quen jffam
coezet e martir hiruout
poaz off breman gant an tan brout
ret eo diff par tout caffout blam
Dre ma proces me meux estlam
coezet e cleuet hac aet cam
maz galler ma blam ma tamall
mazoff e cals mez carezet
dre ma falsentez ha mezet
dre ma meschandet ha duet fall.

Théophanie se plaignant.

Ah ! malheur à moi actuellement, Théophanie, après avoir porté un faux témoignage, après m’être parjurée d’une manière si infâme. Je suis tombée dans un martyre lamentable : je suis dévorée par un feu ardent ; je dois partout trouver blâme. Mon procès me désole : me voilà tombée malade et devenue boiteuse. Tout le monde peut me blâmer et m’accuser. Je suis condarnnée à une grande honte : ma fausseté me couvre de confusion ; par ma méchanceté je suis un objet de mépris.


SANT DEYY.


(Nunc de sancto Davidagio.)
davidagius.

Autrou doe croeer an steret
a calon parfet ez pedaff
fournissaf expres ma desir
voar an hent guir ma jnspiraff
bezout baelec a allegaff
eguit enoraff guellaf pret
a caffen mar dre guir atis
hac e stil an ylis guisquet
Me a groay hoantec vn requet
an urz bepret a appetaf
me ya ahanen de mennat
beden prellat da relataff



VIE
DE SAINT DAVID.


Revenons actuellement à Saint Divy.
Seigneur Dieu, créateur des astres, je te prie de bon cœur de remplir entièrement mon désir, et de me guider sur la vraie route. Je souhaiterais être prêtre, pour t’honorer de plus en plus, et je trouverais bon par vrai conseil d’être vêtu d’après la mode de l’église. Je ferai volontiers une requête, désirant entrer dans les ordres. Je vais d’ici le demander et me présenter au prélat.
(Ad episcopum.)

Autrou gant brut hoz saludaff
humplaf maz gallaf quentaf pret
dre maz ouch vaillant ha santel
duet off diouguel doz guelet

episcopus ad Davidagium.

Duet mat Davy ravizi net
euel den santel dam guelet
groa da rquet pa ez pedaff
goulen scler an pez a quiri
heruez ma gracc ma prelacy
ha dit men roy hep faziaff

davidagius.

Prellat parfet hoz reqetaff
ma consacraff hep tardaff quet
ma memoar eo bezaf cloarec
ha hoantec da bout beleguet

episcopus.

Deomp dan ylis pant out discret
maz vizi mist acolistet
sacr ha diacret a pret mat
goude me roy baeleguiez
dre guir reson ha guirionez
pan out dre fez a buhez mat

(À l’évêque.)

Seigneur, je vous salue avec respect, et le plus humblement qu’il m’est possible, parce que vous êtes vaillant et saint. Je suis venu exprès pour vous voir.

l’évêque à Divy.

Sois le bien venu, Divy, comme homme saint d’être venu me voir. Fais ta requête, je t’en prie, demande clairement ce que tu veux, d’après ma grâce et ma prélature, et je te le donnerai sans manquer.

divy.

Excellent prélat, je vous prie de me consacrer sans plus tarder : mon idée est d’être clerc ; je désire être fait clerc.

l’évêque.
Allons à l’église puisque tu le désires, afin que tu sois de suite fait acolyte, sous-diacre et diacre de bonne heure. Et puis après je te donnerai la prêtrise, avec vraie raison et justice, puisque tu as la foi et une bonne conduite.
davidagius.

Autrou huec hoz trugarecquat
huy hoz maiestat a stat din
hac en hanu doe so guir roe bro
me a quemero hoz doctrin
Me astouo hep gou dan nou glin
en hoz quiffin dre queffrinez
durant sider an offeren
ma em bezo cren hoz bennoez

episcopus consecrando.

Quemer an guisquamant
en presant tout antier
podou hac alhuesou
hac an calizrou scler
breman ez consacrer
hac ez baeleguer net
en hanu an tat apret
mab net ha speret glan

Et fit presbyter.

Gaillard me az lardo
vn dro dren oleo man
achiu eo dit breman
an pez so diouganet

davidagius.

Bennoez anterin an trindet

divy.

Bon Seigneur, je vous remercie, vous votre majesté et votre état divin : et au nom de Dieu vrai roi du pays je prendrai votre doctrine. Je me prosternerai sans faute à deux genoux devant vous avec un grand recueillement, pendant toute la messe, pour que j’aie votre sainte bénédiction.

l’évêque le consacrant.

Prends à présent l’habillement complet : prends les burettes et les clés, et les calices luisans. Maintenant je te consacre et je te fais prêtre absolument, au nom du Pêre d’abord, et du Fils et du Saint-Esprit.

Et il est fait prêtre.

Je t’oindrai gaiement avec cette huile-ci. Actuellement est achevé à ton égard, ce qui avait été prédit.

divy.
J’appelle à jamais sur vous, seigneur, la

autrou deoch bepret a pedaff
achiuet eo spes ma desir
a yoa hir oz ma inspiraff
monet ahanen a menaff
da consacraf celebraf sur
ha doen pep pris dan ylisou
dan collaichou lichou pur
bezout hoantec e pep lectur
ha prezec sur an scriptur glan
a griff certen dre cristenez
ha noz ha dez en buhez man

primus canonicus urbis legionum ad eligendum episcopum.

Kaer a legion autrounez
so breman e cals bihanez
hac en bro truez so cœzet
hon archescob garu so maru sur
vn arall choasomp entromp pur
dre vng auantur assuret

secundus canonicus dictœ urbis.

Choasomp Devy so beniguet
gant patrici proficiet
so vn den parfet a credaff
ha so vn den mat ha natur
da archescob a ve prob sur
so a crœadur an furhaff

bénédiction de la Trinité. Ce qui faisait mon désir est accompli ; je le formais depuis long-temps ; je veux m’en aller d’ici pour consacrer et célébrer, et donner tous mes soins aux églises, aux colléges, aux lieux saints, pour être attentif à toutes les lectures, et prêcher comme il faut l’écriture sainte. Je le ferai certainement par la chrétienté, et nuit et jour tant que je vivrai.
le premier chanoine de la ville de Léon pour élire un évéque.

La ville de Léon, messieurs, est en ce moment en grand deuil ; il est tombé de l’affliction sur le pays. Notre archevêque est malheureusement mort. Choisissons-en un autre parmi nous qui soit pur, et qui ait une conduite irréprochable.

un second chanoine de la méme ville.
Choisissons Divy qui est béni, qui a été prédit par Patrice. C’est un homme parfait, je crois, un homme bon par nature ; il serait surement propre à faire un archevêque ; c’est un homme des plus sages.
tertius canonicus.

Pret eo deomp cren mont bed enhaff
bed menenian hep ehanaff
tizmat ha scaff hep tardaff quet
ema pep stat en abaty
fontet hep vicc gant patrici
drezoa deffri proficiet

Et vadunt.

Dezmat goulou a guir coudet
en abaty man breman net
duet omp doz guelet a detry
ha da clasq vn den nyn ezneo
ha da dez rou dre compsou beo
ha da comps en breff oz Devy

hostiarius abbati meneni.

Autronez certen duet en ty
ema doz grat en abaty
en e study hep faziaff
goude sider e offeren
ez vez santel oz hon quelen
duet euel hen bedec enhaff

canonicus urbis legionum.

Salud deoch Devy an muyhaff
joae ameux hel pa oz guellaff
comp deoch amennaf quentaf pret
aet omp abaff allas Davy

un troisième chanoine.

Il nous est temps de l’aller trouver jusqu’à Ménévie, sans nous arrêter. Allons vite et promptement à l’abbaye fondée par Patrice, ainsi qu’il l’a prédit.

Et ils s’en vont.

Bonjour, lumière et vraie joie en cette abbaye actuellement. Nous sommes venus vous voir exprès, et chercher un homme que nous connaissons ; et pour commencer par des paroles claires, pour parler en peu de mots à Divy.

le portier de l’abbaye de Ménévie.

Messieurs, venez dans la maison ; il est dans l’abbaye pour vous servir. Il est sans mentir dans son étude. Après qu’il a dit sa messe, le saint homme nous instruit ; venez donc le trouver.

le chanoine de la ville de Léon.
Je vous salue bien, Divy ; j’ai grande joie de vous voir : je veux d’abord vous entretenir. Hélas ! Divy, nous sommes bien affligés. La place

vacant eo placc an prelacy
an archescobdy diffiet

davidagius.

Duet mat ouch huy chaloniet
en hanu an trindet an pret man
ha huy certen ha pep heny
en abaty hac en ty man

secundus canonicus.

Hany dre gracc so digazcet
dober quen hoantec vn requet
hac ez och choaset credet sur
da bout deomp patron en hon grat
don jnstruaff da bezaf tat
ha quir prellat ha guir statur

davidagius.

Mar plig dichuy chanoniet
nam choasit quet pa hoz pedaf
an trase ne ve conseant
na nep presant nen consantaff

tertius canonicus.

Ne deux mecher a differaff
rac sascun an moez comunaff
eo hoz choasaff nen nachaf quet

de prélat est vacante : l’archevêque est décédé.
divy.

Soyez les bien-venus, vous, chanoines, au nom de la Trinité en ce jour, et vous et tous ceux qui vous accompagnent, soyez les bien-venus en cette abbaye, en cette maison.

le second chanoine.

Nous sommes envoyés près de vous, pour vous présenter de bon cœur une requête. Vous êtes choisi, vous pouvez le croire, pour être notre patron par notre consentement, pour nous instruire, pour être notre père, et notre vrai prélat vraiment grand.

divy.

S’il vous plait, chanoines, ne me choisissez pas, je vous en prie ; cela ne serait pas convenable, je n’y consentirai jamais.

le troisième chanoine.
II n’y a pas de raison pour différer, car la voix commune est de vous choisir, je ne peux le nier. Léon, appelé la ville pure, vous offre son bel

legion glan galuet an kaer
hac an archescobdy fier
ret eo deoch scler he quemeret

davidagius.

Pardonit diff hac nen griff quet
rac din nedoff quet credet se
huy a caffo guell da prellat
hac vn den mat ha ma grat ve

canonici.

Huy he quemero gremo gre
pan ouch diuset gant trette
duet huy voar se na daleet

Et trahitur.

Duet da benige hiuiziquen
ha hon credit na compsit quen
non bezo certen den en bet

alius archiepiscopus eum benedicendo.

Dalet huy ingal an goalen
an baz pastoral eual hen
ha voar hoz pen an mitr quen glan
ha hoz benigaf quentaf scler
ha da archescob hoz ober
oll dren quarter hac en kaer man

canonici.

Breman joeuseomp entromp glan

archevéché ; il faut absolument que vous le preniez.
divy.

Pardonnez-moi, mais je ne le ferai pas ; car je n’en suis pas digne, croyez-moi. Vous trouverez mieux pour prélat ; vous trouverez un bon homme, et c’est mon désir.

les chanoines.

Vous le prendrez bon gré mal gré, puisque vous êtes choisi par élection ; venez là-dessus et ne tardez pas.

Et il est entraîné.

Venez nous bénir désormais : croyez-nous, ne parlez plus, nous n’en aurons jamais d’autre.

un autre archevêque le bénissant.

Vous êtes mon égal : tenez l’anneau et le bâton pastoral que voici ; et sur votre tête la mitre d’un blanc éclatant. Je vous bénis d’abord et je vous fais archevêque, pour tout le pays et pour cette ville-ci.

les chanoines.
A présent réjouissons-nous entre nous, nobles

nobl ha comun ha pep vnan
han metropolitan han bro
euez ha ny chanoniet
pan aedy Devy beniguet
breman parfet joaeusdet so
proficiet guel voa pell so
quent maz ganset parfet aedo
heman a reno en bro man
euez en bro ez vezo reiz
euit doctrina noz ha deiz
ha chrisqui an feiz en breiz man

davidagius.

An placc man aioa diouganet
ha dif detinet a credaff
ha servichaff doe guir roe ster
het ma amser a prederaff
E emenian ehanaff
a prederaff gant guellaf pret
ha so placc mat hac abbaty
hac gant patrici dediet
ne guelaf plen feunten en bet
digant roe bet me impetro
ha maz duy ten goazretdennou
ha feuntenyou a dinouo
Doe guir roe bet cals penet so
distro vn tro ouz an brois
rac mazint scuiz stancq gant langour
eux a dour ezint difournis

et roturiers et tous autres, et la métropole et le pays, et nous aussi, chanoines, puisque Devy est béni. Actuellement il y a une véritable joie, qui a été prédite il y a long-temps : avant qu’il fût né elle était déja connue. Celui-ci règnera en ce pays-ci ; il sera bon pour enseigner nuit et jour, et pour accroitre la foi en cette Bretagne.
divy.

Cette place a été prédite et m’était destinée, je crois. Servir Dieu, vrai roi des astres, sera mon soin toute ma vie. Je désirerais ardemment rester a Ménévie : c’est une bonne place et une abbaye qui a été dédiée par Patrice. Mais je n’y vois aucune fontaine, je demanderai au roi du monde qu’il vienne de forts ruisseaux, qu’il surgisse des fontaines. Dieu, vrai roi du monde, nous sommes affligés : tourne-toi un instant vers nos compatriotes ; ils sont las et tombent dans la langueur, car ils sont privés d’eau.

Et il surgit des fontaines.
C’est une grande merveille pour les gens du
Et surgunt fontes.

Un maruaill meurbet dan bedis
dour so do diuis fournisset
mazeux ayen ha feuntenyou
digant roe goulou dinouet


MIRACULA.
coecus unus pro aliis.

Allas me so dall ha fallet
ha ma doulagat so badet
na guelet ne gallaf quet sur
na cuf na car nemeux goarant
ha nep an re so quen neant
mazeo truant ma auantur
Hogen vn tro me yelo sur
beden prellat a guir statur
ma droue anantur mar curhe
eff a guelo franc ma ancquen
maz roy diff goulou quen louen
me goar certen ez eo den doe

Cæcus orando.

Allas Devy mez suppliff cre
sellet ma ancquen heflene
supliet da doe guir roe bet
setu me quen du quen cruel
allas dan bedis pen ysel
ma em bezo hael ma guelet

pays : il a été accordé de l’eau à leur demande. Il y a des sources et des fontaines qu’a fait couler le roi de la lumière.


MIRACLES.
un seul aveugle pour les autres.

Hélas ! je suis aveugle et bien infirme : mes yeux sont privés de la lumière, je ne puis voir en aucune façon. Je n’ai ni parens, ni amis. Je suis un être des plus malheureux, et mon sort est des plus à plaindre ; mais j’irai un jour assurément trouver le prélat vraiment grand, je lui conterai mon mauvais sort, et il verra sans peine mon affliction ; il me donnera la lumière avec joie : je sais certainement que c’est un homme de Dieu.

L’aveugle priant.
Hélas ! Divy, je te supplie ardemment cette année de regarder mon affliction. Prie pour moi Dieu le vrai roi du monde. Je suis si noir, si laid, et devant le monde je vais tête baissée. Prie pour que je recouvre la vue.
davidagius.

Meaz guel ha dall ha fallet
doet guir roe bet raz remedo
eguit maz vizi dipisticc
antenticq me az benigo

Et recipit visum Cæcus regratiando.

A trugarez doe guir roe bet
setu duet diff hel hal ma guelet
pan off dan sanct em presantet
ha me gant Devy beniguet

unus claudus.

Memeux estlam mazoff camet
ha ma diuesquer leheryet
allas nemeux nerz da querzet
mazoff gant ancquen souprenet
Me yelo hep goal mar gallaff
bed sanct Devy hep faziaff
eguit ma em descuez dezaff
ha caffout vn mat digataff
Allas autrou a guir coudet
setu me cam ha drouc framet
ach ouzif truhez hoz bezet
ma sicourit pan guillit net

sanctus davidagius.

E guidot Jesu men suppli

divy.

Je te vois aveugle et infirme : que Dieu vrai roi du monde te guérisse ; pour que tu sois sans infirmités, je te bénirai avec soin.

Et l’aveugle recouvre la vue et rend grâces.

Par la grâce de Dieu, vrai roi du monde, voilà ma vue qui m’est bientôt rendue, aussitôt que je me suis présenté au saint, et que j’ai été béni par Divy.

un boiteux.

Je suis boiteux d’une manière étonnante : mes jambes sont estropiées, je n’ai pas la force de marcher, je suis extrêmement affligé. J’irai sans accident, si je peux, jusqu’à saint Divy sans manquer pour me montrer à lui, et trouver en lui un soulagement. Hélas ! Seigneur, vous le voyez, je suis boiteux et bien estropié. Ah ! ayez pitié de moi, secourez-moi, puisque vous le pouvez.

divy.
Je prie pour toi Jésus, qu’il te donne la force

maz founy da nerz mazquerzy
pan eo debil da ysily
in nomine patris et filii

claudus.

A trugarez doe guir roe bet
setu duet diff nerz da querzet
pan off dan sanct em presantet
ha me gant Devy beniguet

leprosus pro aliis.

Gant ma lofrnez me meux mez bras
fromet ha fall dre goall allas
ha poaniet bras dre an cas man
me yel bed Devy continant
rac me a crethe ez ve sanct
da mem recommant ha gant poan

Ad Davidagium.

Sellet rac hoz drem a breman
pebez ancquen so dan den man
na pebez tan a goez an bet
porzit ardant gant carantez
allas a pep tu ma buhez
hac oziff truhez hoz bezet

davidagius.

Me az guel scuiz ha castizet
ha loffr meurbet ha penedour

de marcher, puisque tes membres sont devenus faibles, au nom du Père et du Fils.
le boiteux.

Par la grâce de Dieu, vrai roi du monde, voilà la force qui m’est rendue pour marcher, aussitôt que je me suis présenté au saint, et que j’ai été béni par Divy.

un lépreux pour les autres.

Avec ma lèpre j’ai grand’honte : hélas ! je suis défiguré et bien mal, et bien affligé dans cette position. Je vais de suite vers Divy, car je le crois saint, et je lui recommanderai mon mal.

A Diyy.

Voyez devant vous actuellement quelle est l’affliction de cet homme, et quel feu tombe sur le monde. Soulagez, par votre ardente charité, ma vie de tous côtés, et ayez pitié de moi.

divy.
Je te vois las et châtié, et grandement lépreux et dans la peine. Je te bénis actuellement sur la

mez benig breman voar an ploe
maz sicouro doe an roe flour

leprosus.

Setu me graet franc am langour
dre guir amour ha recouret
dre gracc sanct Devy settuy aet aet
eo digueneff ma cleffet

febricitans.

Me so gant terzien ancquenet
ha hy quen jonisc, ne quis quet
oz crenaff bepret ezaedouff
rac se bede Devy eziff
sur ez eo sanct a seblant diff
hac en pediff pan duy diff coff

Orando.

Sanct Devy suppli eguidoff
e penet meurbet ezedoff
ha rac se ez troff daz coffat
gant an terzien yen oz crenaff
hac an ancquen oz ma benaff
quen sembl ezaf ne gallaff pat

davidagius.

Me az guel gant terzien ancquenet
rac se guir roe bet a pedaff
maz vizi francq a pep ancquen

campagne : que Dieu, le roi doux, te secoure.
un lépreux.

Me voilà débarrassé de ma langueur, et guéri par vraie charité. Ma maladie a disparu, elle s’en est allée par la grâce de saint Divy.

un fiévreux.

Je suis accablé par la fièvre, elle est opiniâtre et ne diminue pas. Je tremble sans cesse. Ainsi j’irai trouver Divy, c’est un saint, à ce qu’il me semble, et je prierai quand j’y penserai.

Lc fiévreux priant.

Saint Divy, prie pour moi ; je suis en grande peine, et pour cela je me tourne à penser à toi. Je tremble de la fièvre froide : l’nquiétude me poignarde ; je deviens si faible que je n’y peux tenir.

divy.
Je te vois accablé par la fièvre, c’est pourquoi je prie le vrai roi du monde qu’il t’affranchisse de toute douleur et qu’il t’empèche de trembler.

ha lesel certen e crenaff

Et sanatur Febricitans.

Doe hoantec a trugarequaff
jachet off scaff hep tardaf quet
terzien na nep reux nemeux muy
dre sanct Devy renunciet
Nep so e cals leff gant cleffet
bezet visitet en bet man
ha maz vezo scaff ha caffou
ha ho hoi poanyou ho souzan
ha loigaff scascun pep vnan
mar bez e souzan didan kaer
dre caret doe rac non be blam
maz vizimp dinam pep amser

pauperes simul.

Deomny guitibunan dan kaer
pan hon eux bed spes hon esper
bennoez roe tron sider ren preseruo
da reiff dezaff rez buhez mat
rac mazeo hep mar hegarat
an guir prellat ra pell pado

Legenda.
Obiit sanctissimus urbis Legionum archiepiscopus Davidagius in Menenia civitate intra abbatiam suam quam præ cæteris suæ diocesis monasteriis dilexerat quia beatus Patricius qui nativitatem ejus prophetaverat ipsam fundavit dum enim ibi apud
Et le fiévreux est guéri.

Je remercie Dieu de tout mon coeur ; je suis guéri radicalement et sans tarder, je n’ai plus ni fièvre ni autre mal, j’en ai été délivré par saint Divy. Que ceux qui sont dans les pleurs par maladie soient visités en ce monde, et que leur deuil devienne léger, et toutes leurs peines et chagrins. Il faut bien loger chacun, s’il est dans la peine sous cette ville, pour l’amour de Dieu, afin que nous n’ayons pas de blâme, et que nous soyons sans tache en tout temps.

tous les pauvres ensemble.

Allons tous à la ville, puisque nous avons eu ce que nous désirions. Que la bénédiction du roi des trônes le préserve et lui donne une bonne vie, car c’est un excellent homme. Que le vrai prélat vive long-temps.

Légende.

David ou Divy, très saint archevêque de la ville de Léon, mourut dans la ville de Ménévie, dans son abbaye, qu’il aimait par-dessus tous les autres monastères de son diocèse, parce que le bienheureux Patrice, qui avait prophétisé sa naissance, l’avait confratres suos moram faceret subito languore gravatus defunctus est et jubeute Malgone Venedotorum rege in eadem ecclesia sepultus. Hæc et quam plurima alia de libro qui de gestis regum britanorum nuncupatur de sancto Davidagio et sancta Nonita addidimus.

davidagius.

Me sanct ma fin determinet
cleuet so duet hac ez credaff
Me soing en mat hep laquat sy
pret Eff da Devy dispartiaff
(*)
En abbati ez studiaff
finuezaff dre mazaff claff
pan aedoff dre gracc en placc man
en kae a menenian hanuet
ha hui ma breuder a cher net
a breman parfet hoz pedaff
dercher (delcher) guir fes carantez mat
entroch peuch mat eo a grataff
Ha presant ma sacramantaff
ma tretaff ha ma noeaff net
pan ay ma speret an bet man
maz vezo glan pan duy an pret

fratres.

Autrou prelat pan relatet
breman parfet ni hoz tretto
a roy deoch flam pep sacramant
en hoz presant hoz contanto

fondée. Or, pendant qu’il demeurait là avec ses frères, saisi tout-à-coup d’une maladie grave, il mourut. Et par l’ordre de Malgon, roi des Vénètes, il fut enterré dans la même église. Nous avons ajouté ceci et beaucoup d’autres choses touchant saint David et sainte None, du livre qui rapporte les gestes ou actions des rois bretons.
divy.

Je sens que ma fin est arrivée : je crois que je suis bien malade. Je pense bien sans balancer qu’il est temps que Divy s’en aille.

Je pense que dans cette abbaye, il faut que je finisse, puisque je suis malade et que je me trouve par grâce en ce lieu, dans la ville nommée Ménévie. Et vous, mes frères que j’aime tant, de ce moment je vous prie de conserver la vraie foi et bonne charité. Je vous souhaite une bonne paix entre vous. A présent donnez-moi mes sacremens : oignez-moi, pour que quand mon esprit s’en ira de ce monde, il soit pur lorsque mon dernier moment viendra.

les frères.
Seigneur prélat, puisque vous le désirez, à présent nous allons vous oindre, nous allons vous donner tous les sacremens, afin de vous rendre satisfait.
mors.

Me eo maru yen hep soutenancc
ne groaff en bet man contanancc
mo digacc dam chancc hep ranzcon
me a meux dren bet vn edit
mo digacc dam liam dam git
autrou neday cuit nac ytron

pater familias.

Ma merch ma mab e drouc abri
debil ha vil a ysily
ha glisi en ho goaziet
da Devy me a supplio
ha hep nep molest ho goestlo
ha diff me coruo vezo net
Allas Devy sanct beniguet
ma bugale so effereet
moz suppli parfet gant creden
hep quet a mar dre hoz caret
e mazint ha moan ha goanet
(*)
Dalet ed yt e queffridy
ha huy ha huy bras ha bihan
ouzech glan pa noz eux danuez
emeux truez an bloazuez man
Nep so prisoniet en bet man
na nep so e cals poan manet
auber an auancc ho ranzcon
maz vizint don di prisonet

la mort.

Je suis la mort froide sans arrêt : rien en ce monde ne me fait obstacle ; j’amène tout à ma chance sans rançon, je donne mes ordres par tout le monde. J’attire tout dans mes liens, à mon gite : ni seigneur, ni dame ne m’échappe.

un père de famille.

Ma fille, mon fils sont bien malades ; leurs membres sont faibles et rachitiques. La crampe parcourt leurs veines. Je supplierai Divy, et je les lui vouerai entièrement, et leurs corps deviendront nets. Hélas ! Divy, saint béni, mes enfans sont bien estropiés ; je vous supplie avec une foi vive et sans balancer, puisque je vous aime, de les guérir de leurs infirmités.

Prenez du blé, allez en commission : allez tous, grands et petits. De vous tous, puisque j’ai du bien, j’ai pitié en cette année-ci. A ceux qui sont prisonniers en ce monde, à ceux qui se trouvent dans la gêne, il faut faire l’avance de leur rançon, pour qu’ils soient délivrés de leur prison.
mors.

Pa ho quiffifaes e chaeson
dre gourchemen doe guir roe tron
gant ma bourdon ho estonaff
na fizi quet aman bed an hoaz
rac pan aff dren bro me so noaz
hac a goar a baz ho lazaff

Et occidit Davidagium.

Ha huy Devy pan studiaff
na deu mar sanctel hoz guelaff
ret eu gouzaff hep tardaf quet
me mem caffo dirac hoz drem
ne souyt quet ne tal quet clem
dalet vn taol flem hep remet

davidagius moritur.

Autrou Michel te han aelez
ma sicourit rez em ezomp
in manus tuas domine comendo spiritum meum.

deus pater.

Gant carantez ma aelez mat (net)
e breiz ysel gant vuheldet
ezeo decedet an pret man
yt huy breman gant letany

la mort.

Puisque je vous trouve sans peine, je vais par l’ordre de Dieu, vrai roi des trônes, vous surprendre avec mon bourdon. Ne vous fiez pas jusqu’à demain, car quand je vais par le pays je fais noise, et je saurai vous tuer avec mon bâton.

Elle tue Divy.

Et vous, Divy, lorsque j’y pense, quoique sans doute je vous trouve saint, il faut souffrir sans plus tarder, puisque je me trouve devant vous. Ne vous étonnez pas, il ne servirait pas de vous plaindre. Tenez un bon coup sans remède.

divy murant.

Seigneur Michel, toi et les anges, secourez-moi, j’en ai bien besoin. Seigneur,je remets mon âme entre vos mains.

dieu le père.
Avec amour, mes bons anges, en Basse-Bretagne, avec humilité est décédé Divy en ce moment. Allez-vous-en actuellement avec joie tout

carguet parfet gant meledy
da querchat Devy dan dipoan

angeli.

Sancte Devy deux dan dipoan
gueneomp breman dan letany
goude da poan da huanat
bede doe tat maz ebaty

angeli representando animam in paradiso.

Aman hep finuez ez vizi
glan en letany devi mat
dien hep ancquen nac enoe
e les ati roe dirac doe tat

monachi in abattia.

Setu decedet en pret man
an archescob mat prellat glan
ha ny so breman souzanet
he man aioa goar hegarat
hac a tost ha pell guir prelat
presant so sanct mat relatet

rex.

Me malgon roe venedotonet
a goar en mat a relat net
entren preladet en credaf
sanct voa heman a pan ganat
dre patricc e proficiat

chargés de mélodie, chercher Divy pour le lieu sans peine.
les anges.

Saint Divy, viens au lieu sans peine, viens avec nous avec joie, après tes peines et tes soupirs, viens trouver Dieu le père pour te réjouir.

les anges présentant son âme dans le Paradis.

Ici tu seras sans fin et dans la joie pure, bon Divy, sans aucune inquiétude ni ennui, en la cour du roi, devant Dieu le père.

les moines dans l’abbaye.

Voilà qu’est décédé actuellement, notre bon archevêque, le prélat pur, et nous sommes bien affligés. Celui-là était clément et débonnaire : de près et de loin, c’était un vrai prélat ; à présent c’est un bon saint assurément.

le roi.
Moi, Malgon, roi des Vénètes, je sais de bonne part et sans en douter, que parmi les prélats, on peut le croire, celui-ci était saint, et que lorsqu’il naquit il fut prédit par Patrice qu’il

ezeo sanct mat hegarataff
En abatti ez studiaff
pret eo e berr e enterraff
hac ez gourchemennaff affet
dre mazoa vaillant ha santel
dre testeni celestiel
haff cuff ha vuel reuelet

fratres, canonici, presbiteri, nobiles, etc., simul.

Rac se hastomp na tardomp quet
pan eo deomp cren gourchemennet
gant an roe parfet a credaff

serait un saint bon et miséricordieux. Je veux que dans l’abbaye, sans tarder, il soit enterré. Je l’ordonne expressément, parce qu’il était vaillant et saint par témoignage du ciel, et qu’il s’est montré doux et humble.
les frères, les chanoines, les prêtres, les nobles, etc., ensemble.

Ainsi, hâtons-nous, ne tardons pas, puisque nous en recevons l’ordre exprès de notre roi si parfait.



ERRATA.
————
TEXTE BRETON.

Pages.
4
Ibid.
6
Ibid.
12
16
20

Vers.
1
7
18
93
14
12
10

Lisez :
Cleo.
et deuy
contantet
Euez.
estlam.
so.
mam.

Pages.
Ibid.
24
30
54
53
44
52
58
66
78
86
Ibid.
92
98
102
Ibid.
106
Ibid.
108
122
Ibid.
124
126
128
130
132
138
144
148
Ibid.
132
156
164
166
170

Vers.
16

en titre.
19
15
21
6
11
9
16
1
8
23
4
4
12
2
4
25
18
Ibid.
18
20
13
en titre.
21
6
11
22
25
1
5
16
19
7

Lisez :
ret eo.
ad.
AN GUIZ NEZL.
ha ne.
vuel.
k(barré)nch [50].
deom, d’après une correction récente.
guelo pez.
so ret.
hep.
vizimp.
e bezaf.
glau.
mam.
han.
hernez.
trugarez.
cridif.
retranchez mat.
Mez.
quemeren.
guelet.
eom.
an.
RESCUSCITANTUR.
hoz.
aielo.
tout.
am.
han.
diziou.
aruoarz, peut-être.
nep.
eman.
rac.

  1. Il existe bien quelques poëmes bretons, imprimés à Paris par Quillevere, en 1530 ; mais ils sont devenus tellement rares qu’à peine en connait-on deux ou trois exemplaires dans les bibliothèques publiques ou particulières de France.
  2. Elle a cessé de parler cette langue à la fin du dernier siècle. Voyez les Mémoires de la Société des antiquaires de Londres, tom. v, pag. 83.
  3. « Emeritos et laboribus functos in quadam parte Galliae ad occidentem super littus Oceani collocavit ; ubi hodieque posteri corum manentes immane quantum coaluere, moribus linguaque non nihil a nostris Britonibus degeneres. »

    Guillaume de Malmesbury.

    Cet auteur vivait dans le XIIe siècle. Ce qu’il dit de la colonie des soldals émérites doit être examiné dans un autre endroit.

  4. Lors de l’émigration, les Bretons trouvèrent en Armorique des peuples de la même langue et de la même race. Voyez tous les historiens d’Angleterre et le 4e volume du Mithridates d’Adelung et Vater.
  5. Des faits inscrits sur le dernier feuillet du manuscrit par des mains qui paraissent contemporaines ; le premier mentionnant la fondation du Folgoat, célèbre église du pays de Léon, porte la date de l’an mil troys cent cing uante (sic) ; le dernier, celle de 1491. Il est d’une écriture plus récente et se rapporte au mariage d’Anne de Bretagne avec Charles VIII. II est rédigé au présent.
  6. Cette note me semble avoir été placée en cet endroit pour justifier l’insertion faite à la page 148, insertion en contradiction avec le reste du poëme qui suppose que Nonita mourut dans la Démétie où se trouvait saint David. Voyez de la page 129 à la page 146 et ailleurs.
  7. L’état du manuscrit nous empêche de tirer aucun sens raisonnable des cinq lignes qui suivent. On parle d’un monastère, sans doute de celui où le roi devait envoyer les parties de ces animaux réservées pour son fils. Voyez la légende latine.
  8. Plusieurs de ces désinences fortes se sont conservées dans le dialecte de Vannes.
  9. Pour fixer la valeur de ces expressions, on a les catholicon d’Auffret Quoatquevran ou de Lagadec, imprimés en 1499, et le vieux glossaire conservé à Londres que Pryce a inséré dans son Archéologie, et qui en forme la partie la plus importante.
  10. Ces expressions ont presque toutes pris dans le breton actuel une forme qui les rapproche de la langue française.
  11. Voyez ci-après. La difficulté serait la même, supposé que le poëme eût été composé dans le fond de la Basse-Bretagne, d’autres monuments anciens de la littérature cambrienne offrant aussi un mélange de mots latins altérés.
  12. Je les indique d’après le savant ouvrage de M. Raynouard ; Grammaire comparée des langues de l’Europe latine, tom. 6 de son Choix des poésies originales des Troubadours.
  13. Relisez ce que nous avons dit page IX de cette préface.
  14. Nous avons pour le Goth, la Bible d’Ulphilas ; pour le Francisque , outre les Gloses de Keron (il vivait en 720), sur l’Oraison dominicale et la règle de saint Benoît, tous les documents écrits en Saxon, qui était le même que le Francisque, puisque saint Augustin allant prêcher la foi aux Saxos idolâtres, prit des interprètes chez la nation des Francs. « Acceperunt (August. et socii) præcipiente beato papa Gregorio de gente Francorum interpretes. » Red. Hist. liv. 1, ch. 25.
  15. « Ego autem mirifice capior facetiis, maximè nostratibus, præsertim quum eas videam primum oblitas Latio, tum, quum in urbem nostram est infusa peregrinitas, nunc vero etiam braccatis et transalpinis nationibus, ut nullum veteris leporis vestigium appareat. » Cicer. Epist. ad Div. lib. 9, epist. 15.
  16. Je dis dans plusieurs parties principales, car le Roman présente dans sa grammaire un mélange de formes latines, gothes et francisques.
  17. « Opera data est ut imperiosa civitas non solum jugum, verum etiam linguam suam domitis gentibus per pacem socialis imponeret. » S. August. Cit. de Dieu, liv. 19, ch. 7.
  18. Voyez une loi à ce sujet dans le Code Théodosien. Leg. 11, de Medic. et prof.
  19. Saint Irenée, dans la préface du premier livre contre les hérésies, s’excuse des fautes qu’il commet contre la langue, parce qu’il vit au milieu des Gaulois et a été obligé d’apprendre leur idiome. Son existence au troisième siècle nous est attestée par ce décret de l’an 250. Digest. liv. 32, tit. 1er, § 11. « Fidei commissa quocumque sermone relinqui possunt, non solum Latina vel Græca, sed etiam Punica vel Gallicana vel alterius cujuscumque gentis. » Le témoignage de Sulpice Sévère est formel pour sa permanence au cinquième. « Tu vero, inquit, vel celticè, aut si mavis gallicè loquere dum modo jam Martinum loquaris.
  20. Sidoine Appolinaire s’adresse ainsi à Ecdicius, liv. 3, lett.3, « Mitto istic… tuae personæ quondam debitum , quod sermonis celtici squamam depositura nobilitas, nuncoratorio stilo, nunc etiam camænalibus modis imbuebalur. »
  21. Voici comme Grégoire de Tours parle de lui-même au livre de la Gloire des Confesseurs : « Qui nomina discernere nescis, sæpius pro masculinis femines… commutas ; qui ipsas quoque præpositiones quas nobilium dictatorum sanxit autoritas, loco debito plerumque non locas ; nam pro ablativis accusativa et rursum pro accusativis ablativa ponis. »
  22. Voyez les Formules de Marcolphe, Bignon, Baluze, et les premières éditions de la Loi salique, etc., etc.
  23. Voyez les mémoires de Leboeuf sur les plus anciennes traductious. Tom. xvii des mémoircs de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
  24. C’est l’histoire de la formation de l’Anglais, après la conquête des Normands, qui a fourni cette règle.
  25. Voyez l’introduction placée par Ducange en tête de son Glossaire de la basse latinité. Plusieurs siècles avant notre ère, les Crecs avaient fait des établissements dans les Gaules.
  26. Dans deux ou trois endroits, une main assez moderne a écrit entre les lignes des mots bretons qui ne se lient ni avec ce qui suit ni avec ce qui précède. Je les ai cependant conservés, mais en les entourant de crochets, parce que je voulais donner comme un fac simile de mon manuscrit.
  27. Ce n’est qu’une copie, comme le prouve surtout la singulière insertion au milieu du texte qu’elle interrompt d’une note latine destinée à faire connaitre la source de quelques interpolations faites au travail primitif. (Voy. page 200.)
  28. Girard de Cambrie, qui était évêque de Ménefie en 1200, cite fréquemment cet auteur, qui, par conséquent, avait écrit avant lui.
  29. Ce nom, qui est écrit ailleurs xantus et kenticus, se retrouve toujours dans notre manuscrit sous la forme de kereticus.
  30. La Corétique était une province voisine de la Démetie sur la mer d’Hybernie. Le Cardiguan moderne. Usher.
  31. Demetica id est subgualia. Galf. Mon.
  32. Nonita apud Capgravium.
  33. « In qua doctor Gildas », dans le manuscrit d’Usher.
  34. « Gildas obmutescens quasi clauso gutture. » (Capg.)
  35. Voyez ci-après le récit plus exact d’Alain des Isles.
  36. Il est appelé Trisinius par le manuscrit, Trifunus par Cardoc de Lancarvan, plus complet en ce point que Ricemarch.
  37. A S. Helvæo Momoniensium. Golg. A Relveo Menevensium Girald. Camb.
  38. Notre manuscrit porte ruben, qu’ii faudrait écrire rub hen. Hen d’après Girald Camb. signifie vieuz ; rub est l’abréviatiou du mot latin rubus. Vetus rubus est la traduction exacte du nom Meneu, qui avait été donné à cet endroit par les habitanls d’Hybernie.
  39. Dans notre manuscrit, elle est appelée « Ian guen wmendi e immy, » C’est probablement l’Île de Vhite land. Usher.
  40. La légende latine fait, par exemple, Devy recevoir la prêtrise avant de prendre les leçons de Paulin, etc.
  41. Comparez avec le récit de Ricemarch ci-dessus, page 33.
  42. Voyez Lingard, Antiquités de l’église anglo-saxonne, page 265.
  43. C’est du livre 11 de cet auteur, que sont extraits les renseignements cités dans la note.
  44. « Se aucun se veaut clamer per l’assise de dete de monoie que il dit que il li doit, de quoi il dit que il n’a ne pleige ne garens… Lors le seignor doit mander querre celui de qui cusi l’on se clame, et dire li… Tel se clame de vous que vous li deves tant et de tel monoie, et die la quantité, et si vous comand que vous la li paies se vous la li deves, et se vous ne la li deves que vous en fornissies l’assise, et celui doit jurer sur sains que il celle dethe de quoi celui s’est clamé de lui ne li doit. Et se il jure il en est quite. » Assises de Jerus, ch. 137, pag. 100. Je cite ces Assises parce qu’elles sont la meilleure source pour la connaissance du droit pendant la première partie du moyen âge. Voyez aussi Lobineau, Histoire de Bretagne, tom. 1er pag. 71 et suiv.
  45. Voyez encore Lobineau et les Assises, au ch 24, « quel li bon pleidoier doit estre et que li convient faire. » Pag 26. Je crois qu’il y a confusion dans le manuscrit, dans l’indication des avocats qui parlent.
  46. Ruben, Languen Wmendi, Rosina, Menevia, etc.
  47. Saint-Paulin, Kereticus, qui est le même que le Cérétic auquel saint Patrice adressa une lettre que nous possédons encore.
  48. L’admission de Nonita dans le couvent.
  49. Ces corrections qui quelquefois s’éloignent du mot à mot de l’auteur, se bornent presqu’au discours de saint Gildas, je m’en suis totalement abstenu à partir de la feuille six.
  50. Toutes les fois que le mot knch s’est trouvé dans le manuscrit, je l’ai transcrit kernch. Le K barré valant ker dans l’alphabet breton.